Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/931

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’établissement maritime d’Honfleur consiste en un avant-port de 39 ares et en quatre bassins à flot qui en ont ensemble 431, en tout 4 hectares 70 ares. Les dépôts vaseux y sont plus ou moins abondans suivant les directions capricieuses des courans qui remplissent les bassins, et l’on en expulse, par la combinaison de l’ameublissement des vases et de l’emploi des chasses, de 110 à 270,000 mètres cubes par an. Il ne faut point en conclure que si le curage journalier s’arrêtait, le sol du port s’exhausserait de 2m,34 à 5m,75 dans l’année : une grande partie des matières qu’apporte le flot dans le port sont les mêmes qu’ont entraînées les chasses, et comme la quantité de vase tenue en suspension est proportionnelle à l’épaisseur de la tranche d’eau qui la porte, le curage ajoute sans cesse lui-même à sa tâche. Les vases du port d’Honfleur sont très riches en matières organiques, et la culture devrait s’emparer avec empressement de cet engrais. La Normandie est à cet égard fort en arrière de la Flandre, et si les habitans d’Honfleur avaient l’habileté de ceux de Dunkerque à tirer parti des déjections marines de leur ville, la fertilité des plateaux voisins serait doublée, et les exportations par mer s’en ressentiraient. En attendant l’adoption d’une coutume si salutaire, il faut moins s’inquiéter de l’envasement intérieur du port que de celui de l’atterrage sur lequel il s’ouvre. On voit, à quelques mois d’intervalle, des bancs s’élever devant Honfleur aux places où flottaient des corvettes, se maintenir ou disparaître à l’improviste. Les pressions des vents sur les eaux de la Seine sont les causes principales des évolutions de ces masses terreuses, dont les caprices apportent d’étranges perturbations dans le régime de l’atterrage. M. Cachin, le célèbre ingénieur des travaux de Cherbourg, voulut, en 1791, purger le port et lui donner un chenal régulier. Il proposa de détourner la Risle à 2 kilomètres en amont de son embouchure et de la conduire à Honfleur par un canal maritime qui, côtoyant les falaises de Fatouville et de Saint-Sauveur, eût débouché dans un bassin de chasse d’une quinzaine d’hectares. Il évaluait à 5 millions les dépenses. On est, dans ces derniers temps, revenu à ces idées ; mais elles se sont effacées devant le projet beaucoup plus large, mais beaucoup trop chanceux, d’amener sous les murs d’Honfleur le chenal entier de la Seine. Si l’on renonce à cette entreprise, dont l’issue pourrait être le sacrifice des grands intérêts aux petits, le projet de M. Cachin donnerait un moyen sûr de sauvegarder les ports d’Honfleur et de Pont-Audemer. La masse d’eau dégorgée par le chenal prolongé de la Risle se fraierait naturellement, quels que fussent les déplacemens du lit principal de la Seine, la voie qui l’y réunirait, et l’accès d’Honfleur serait toujours facile et sûr. Ces combinaisons soulèveraient, dit-on, une vive opposition à Pont-Audemer ;