Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/913

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

belle maçonnerie réticulaire, dont les gradins sont cachés sous un tapis de gazon, et des substructions que met souvent à découvert le creusement des fondations des édifices modernes. Les vestiges de l’établissement naval des anciens sont ensevelis sous les envasemens de la mer et les terres amenées par les cours d’eau qui se réunissent dans la ville : on peut même douter, au relief du sol, que le port romain fût en contact avec l’emplacement de la ville actuelle ; il était plutôt à 1,200 mètres plus bas, au Mesnil, où se font sentir les marées, faiblement, il est vrai, mais par des chenaux si tortueux et si obstrués que le flot ne peut en atteindre l’extrémité que lorsque le jusant rappelle déjà les eaux dans la Seine. Si lent que soit ce mouvement, il prouve avec évidence qu’il serait possible de doter la vallée de Bolbec d’une communication directe avec la mer. Cette vallée est une des plus industrieuses de la Normandie : des cheminées de machines à vapeur s’y dressent, des bruits d’usines s’y font entendre de tous côtés ; les deux cantons de Bolbec et de Lillebonne, entre lesquels la vallée se partage, réunissent 32,000 habitans, et les populations urbaines sont à Bolbec de 8,664 âmes, à Lillebonne de 3,840. Cette laborieuse agglomération, presque appuyée sur la mer, ne reçoit la houille dont s’alimentent ses fabriques que par les ports du Havre, de Fécamp, de Dieppe, et les chemins de fer qui passent au loin sur le plateau élevé du pays de Caux : elle supporte les frais et les déchets d’un triple déchargement, et les mêmes observations s’appliquent à la plupart des approvisionnemens et des marchandises que reçoit ou qu’expédie la vallée. On veut mettre l’industrie française aux prises avec l’industrie étrangère : soit ; mais au moins faudrait-il la pourvoir d’armes égales, et pour les fabriques de la vallée de Bolbec, la première condition est de recevoir directement d’Angleterre le combustible qu’elles ne peuvent guère demander ailleurs. Le port et le chenal qui leur procureraient cet avantage sont des plus faciles à creuser au milieu des alluvions récentes qui se consolident en arrière des digues de la Seine. La moindre distance du Mesnil à la Seine par une ligne perpendiculaire aux digues est de 3 kilomètres ; mais il ne faudrait pas donner aux eaux du Bolbec cette direction : il serait visiblement préférable de les conduire par une courbe de 7 kilomètres dans le port déjà ouvert au pied du château de Tancarville ; la masse d’eau serait alors assez puissante pour que la liberté du chenal fût toujours assurée, et le trajet total serait à la fois plus court et plus facile. C’est presque toujours une faute dans les travaux maritimes que de diviser les eaux, de multiplier les défauts de cette espèce de cuirasse que constituent les digues, et d’éloigner les uns des autres les établissemens qui gagnent le plus à être groupés. Les grands ports de la