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et il faut deux ou trois jours pour la franchir. Il y a d’ailleurs entre ces deux points extrêmes une différence de niveau de quatre mille cinq cents pieds, ce qui suppose un enchaînement de plateaux et de montagnes descendant avec plus ou moins de raideur vers l’Océan-Pacifique. C’est en effet à travers ces ondulations et ces pittoresques surprises de la route que nous étions engagés dès le premier jour en arrivant le soir à la Garita del Rio-Grande, le principal bureau de douane de la république. On appelle ainsi un grand bâtiment carré ressemblant à un caravansérail d’Orient, avec une large galerie à l’intérieur, et traversé de part en part par la route elle-même, qui se trouve barrée la nuit comme le chemin d’une forteresse. Tout ce qui vient de Punta-Arenas pour la consommation intérieure, comme tout ce qui part de la zone cultivée pour aller s’embarquer à Punta-Arenas, doit passer sous les voûtes de la Garila et s’arrêter dans l’enceinte carrée pour y payer des droits ad valorem, qui varient de 5 à 16 pour 100, selon la nature des marchandises. Une partie du montant de ces droits, celle prélevée sur les 200,000 quintaux de cafés expédiés en Europe, à raison de 2 réaux le quintal, est exclusivement consacrée à l’entretien de la route, construite de 1844 à 1846 sous la direction d’une commission spéciale appelée la junta itineraria. Cet entretien est en effet l’un des grands intérêts du pays, puisqu’il s’agit de l’unique artère de son commerce extérieur. Il coûtait en moyenne 100,000 fr. par an. On avait, pour construire la route, vaincu de grandes difficultés et jeté plusieurs ponts de pierre d’une grande hardiesse, dont le plus remarquable, qu’il fallait traverser au-delà de la Garita sur le Rio-Grande, expliquait le choix de cet emplacement pour servir de station douanière. L’encaissement à pic de cette rivière, qui court de l’est à l’ouest jusqu’au golfe de Nicoya, à travers une espèce de déchirure du plateau, rendait impossible toute contrebande. Nous avions rencontré plusieurs files de vingt ou trente charrettes traînées par des bœufs, chargées peut-être de produits français qui avaient doublé le cap Horn. Un magnifique navire de Bordeaux, le Saint-Vincent-de-Paul, de 300 tonneaux, était précisément mouillé depuis quelques jours dans les eaux de Punta-Arenas, où il attendait son fret de retour.

Le matin du troisième jour commençait véritablement la descente sur les flancs d’une montagne nommée l’Advocate, où se trouvent les seules mines d’or exploitées par l’état pour les besoins de son hôtel des monnaies. Nous avions presque constamment aperçu jusqu’alors, à notre droite, le rideau volcanique qui part de Barba pour aboutir à l’Orosi, entre le lac de Nicaragua et la baie de Salinas. Une fois sur le point culminant de l’Advocate, tout l’espace parcouru