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du divin, ce tout de l’homme, pour parler comme Bossuet, que Humbold poursuivait de ses sarcasmes ? Des fanatiques l’ont accusé d’athéisme ; mais il a repoussé cette accusation avec force, lorsque, dans la traduction française de son Cosmos, il proclame la supériorité de la philosophie sur les sciences physiques. Il reproduit encore cette déclaration de principes dans les lettres que nous avons sous les yeux, et il l’oppose hautement aux attaques de la Revue de Westminster. « La physique, dit-il, comme l’indique son nom même, se borne à expliquer les phénomènes du monde naturel par les propriétés de la matière ; le dernier but des sciences expérimentales est donc de remonter à l’existence des lois, et de les généraliser progressivement. Tout ce qui est au-delà n’est pas du domaine de la physique du monde, et appartient à un autre genre de spéculations plus élevées. » Non, certes, un tel contemplateur de l’univers ne pouvait nier la cause intelligente et libre, mais n’éprouvait-il pas contre la religion de l’Évangile une espèce d’antipathie bien peu digne d’une intelligence supérieure ? Il méconnaissait sans cesse l’affinité du libéralisme véritable et de la pensée chrétienne. Toutes les œuvres qu’inspire l’esprit évangélique lui inspirent des plaisanteries équivoques. À propos des théologiens de son temps, il porte les jugemens les plus singuliers : Schleiermacher, cette âme pieuse et profonde, exaltée tour à tour et déchirée par tant de combats intérieurs, ce Pascal du protestantisme germanique au XIXe siècle, n’est pour lui qu’un prêtre astucieux, adoptant en apparence toutes les formes des mythes chrétiens et s’accommodant tout bas avec les hommes qui pensent d’une autre manière. Ses éloges ne sont pas moins étranges que ses blâmes. S’il parle de l’auteur de la Vie de Jésus, il dira simplement : « La seule chose qui m’ait déplu chez Strauss, c’est sa légèreté en fait d’histoire naturelle. » Je ne sais quelles légèretés scientifiques Humboldt peut reprocher à M. Strauss ; quant aux légèretés théologiques et philosophiques de Humboldt, M. Strauss lui-même en serait choqué. Pour qui sait lire au fond des cœurs, il est impossible de méconnaître un sentiment religieux chez M. Strauss ; une noble inquiétude anime tous ses travaux, et il essaie de relever à sa façon ce qu’il croit avoir renversé par la critique. Rien de tel chez Humboldt, au moins dans cette correspondance. Sa contemplation du Cosmos ne lui a pas enseigné le respect des choses de l’âme. Il est froid, il est sec, il est dur. J’oserai dire que le mot impiété, dans le sens antique et éternel, doit être appliqué ici ; Virgile aurait trouvé de l’impiété dans ces lettres. Un jour, accusé d’irréligion par les paysans de ses contrées natales, David Strauss, s’adressant à ces braves gens, leur ouvrit son cœur. Ce discours aux vignerons de Steinheim pourrait se résumer ainsi : « Mes