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videmment être la même pour la femme et l’homme, pour l’adulte et l’enfant, pour l’insensé et le sain d’esprit. Le mot d’égalité signifie que justice est due également à tous. C’est là l’égalité de droit qui corrige jusqu’à un certain point l’inégalité de fait. Les hommes naissent tous avec un droit égal à la justice ; voilà la véritable égalité primitive. Et la justice qui est due à un être doué de la liberté et de la raison, c’est de lui reconnaître et de lui garantir tous ses moyens d’user de l’une et de l’autre, tels qu’il les a reçus de la nature et du sort. Une analyse plus approfondie résoudrait donc, je crois, la notion de l’égalité dans la justice ; qui doit garantir à tout homme sa liberté, tant qu’il n’a pas mérité de la perdre. La législation ne peut songer à supprimer les illégalités de fait parmi les hommes, mais elle peut en supprimer les effets iniques, et empêcher qu’elles ne deviennent des sources d’oppression. Elle défend le faible contre le fort et oppose à l’inégalité de fait l’égalité de droit, c’est-à-dire qu’elle restitue à celui qui tout seul ne pourrait la défendre la part de liberté qui lui appartient. Dans une aristocratie fermée, les privilèges exclusifs sont l’obstacle factice qui retient l’essor de l’émulation et paralyse l’activité du mérite qui veut s’élever. Les immunités odieuses en faveur de certaines classes sont un fardeau qui retombe sur d’autres classes, et les gêne dans leur participation au concours ouvert par la société entre tous ses membres. Le système réglementaire est pour l’industrie une violation gratuite de la liberté du travail et des professions. Le droit d’aînesse est une restriction conventionnelle apportée soit aux effets de la libre affection des parens, soit au droit qu’une naissance égale donne aux enfans de profiter également des avantages acquis à leurs pères. Toutes ces inégalités sont une entrave artificielle mise à l’action ; au développement de l’individu, et une violation du principe qui veut que la liberté de l’être raisonnable ne subisse que les restrictions imposées par la nécessité, ou qui proviennent de sa volonté ou de sa faute. C’est à l’abolition des contraintes purement arbitraires, de toutes ces iniquités traditionnelles maintenues par l’insolence de la force et du préjugé, que tend la civilisation moderne, et que surtout a travaillé la révolution française. On voit ainsi que la loi et la société sont au fond des instrumens d’égalité parmi les hommes, et cette égalité peut être ramenée à la liberté même. Ceux qui veulent séparer réellement, essentiellement, la liberté et l’égalité, tombent dans une erreur insoutenable, et là où la liberté est atteinte, regardez-y bien, l’égalité est blessée. Qu’on ne nous parle plus de l’égalité sous le despotisme, il y a contradiction dans les termes, car l’arbitraire crée à chaque pas des inégalités factices parmi les hommes

Sans essayer le travail métaphysique qui mettrait ceci en pleine