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DU
PESSIMISME POLITIQUE

Du Droit industriel dans ses rapports avec les principes du Droit civil, par M. Renouard, conseiller à la cour de cassation, 1 vol., 1860.

Le pessimisme a fait de grands progrès, et notre temps, qui a passé pour enorgueilli de ses œuvres, compte aujourd’hui plus de censeurs que d’enthousiastes. C’est une singulière inconséquence ; mais les hommes aiment la vie, bien peu sont dégoûtés de ce monde au point de le quitter avec joie, et cependant on se plaît à dire du mal de la vie et de ce monde, et les réflexions amères sur notre destinée sont un des lieux-communs de la conversation. Cette manière malveillante ou désolée de juger les choses humaines peut avoir pour principe un des plus précieux attributs de la raison, la noble prérogative qu’elle possède de concevoir au-dessus de la réalité un idéal qui la surpasse et semble la condamner ; mais souvent aussi c’est un abus de cette faculté éminente, dont se sert la prétention ou la faiblesse pour se rehausser ou se plaindre : c’est une délicatesse excessive et affectée qui veut paraître supérieure à ce qui la touche et se distinguer par un dédain mélancolique, faisant la dégoûtée pour ne pas s’avouer impuissante. Sans contester ce qu’il peut y avoir de juste ou d’élevé dans une certaine sévérité pour le partage qui nous est échu, on peut douter que lorsqu’elle s’applique à l’esprit d’une époque, à l’état d’une société, son témoignage doive être reçu sans examen, et qu’elle ne puisse pas être mise elle-même au rang des maux qu’elle accuse. Du moins peut-on rechercher quelle est son origine et lui demander ses preuves.