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naïves. Quelques jours à peine s’étaient écoulés depuis que Miriam avait constaté les marques de la consanguinité de Donatello avec les divinités champêtres, et déjà pour l’amour d’elle il avait commis un crime. Un personnage d’un caractère équivoque, que l’auteur a laissé dans un demi-mystère, et dont il ne s’est pas soucié d’expliquer les secrets motifs, poursuit Miriam de ses assiduités importunes comme le remords et menaçantes comme la vengeance. Sur un regard de Miriam, Donatello lui fait subir le supplice des traîtres antiques, en le précipitant du haut de la Roche-Tarpéienne. Aussitôt l’acte accompli, le faune commence à disparaître ; les germes d’un nouvel homme ont été déposés en lui par le crime et se développent graduellement. C’en est fait pour jamais de la joyeuse créature en qui revivaient l’innocence et la simplicité perdues des premiers âges. Lorsque le sculpteur Kenyon fait son buste, il demeure frappé de terreur devant l’image qu’il a reproduite trop exactement. Avec les angoisses morales, le visage a perdu son repos, et au lieu de la physionomie insouciante d’un jeune garçon joyeux, ses doigts ont pétri la physionomie énergique d’un homme courroucé.

Tout le roman est contenu dans ce titre Transformation. Ainsi que nous venons de le voir, Hawthorne a voulu montrer comment le faune se transformait en homme, et à quel prix était achetée la vie morale. Hélas ! c’est une triste histoire, car le péché y joue le principal rôle. Pour que l’homme soit enfanté à la haute vie morale, il faut qu’il perde son innocence et son bonheur. La suprême couronne de l’âme, c’est la tristesse ; ce n’est que lorsqu’elle a reçu ce diadème qu’elle a conscience de sa royauté et de sa noblesse. L’histoire de Donatello est l’emblème de ce fait moral. Le récit d’Hawthorne est donc une allégorie qui ne touche à la réalité que par la vérité psychologique. Les circonstances extérieures sont fabuleuses, les incidens dramatiques sont en quelque sorte symboliques. Avec plus de hardiesse que de bonheur, l’auteur a fondé un drame contemporain sur des mythes éternels. Hawthorne ne s’en est pas tenu à la vague ressemblance de Donatello avec le Faune de Praxitèle ; il le fait descendre directement d’une race de faunes qui prit naissance dans les temps mythologiques par l’alliance d’un dieu des bois et d’une mortelle. Le couple heureux habitait une source qui coulait dans le domaine qui fut plus tard celui des comtes de Monte-Beni. Plusieurs fois une naïade était apparue aux ancêtres de Donatello, et les avait informés que sa race était parente de la leur. Une fois même, elle s’était unie intimement à un chevalier de cette maison ; mais un jour qu’il revint vers elle, une tache de sang sur la main, elle plongea dans la source, et jamais plus le chevalier ne la revit. Donatello ne l’avait jamais vue, et pourtant cette fontaine avait été pendant son enfance son lieu de repos préféré ; peut-être