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tous à des contrées froides, et n’indiquent pas de révolutions climatologiques[1].

La question de l’abaissement de la température demande donc, comme celle de l’invasion des glaces, une nouvelle et plus sévère vérification ; mais cet abaissement, s’il se produit, ne doit-on pas le regarder comme graduel et ne pouvant dès lors engendrer des catastrophes subites telles que les déluges ? L’invasion des glaces et celle des eaux ne s’opéreraient-elles pas lentement ? M. Adhémar, tout en admettant une action progressive et une marche continue, croit cependant qu’il se produira finalement une vaste débâcle qui apportera un brusque bouleversement ; il se fonde sur les faits observés lors de la dissolution des grandes masses de glace dans les régions montagneuses. Il suppose que les vapeurs apportées par les courans d’eaux chaudes et de vents humides verseront un jour sur les glaces australes une quantité considérable de pluie qui se gèlera en pénétrant dans les couches inférieures, crevassées par l’élévation de la température produite depuis plusieurs siècles. Ces eaux congelées agiront comme des coins et feront éclater la masse entière, dont les fragmens, surnageant aussitôt, seront entraînés avec les mers environnantes sur les continens que nous habitons.

L’ensemble des considérations réunies par l’auteur de la nouvelle théorie à l’appui de cette idée ne convaincra point tous les esprits. On peut encore supposer que des ruptures partielles s’opéreront à diverses époques ; cependant il faut bien admettre une débâcle principale, et dès lors de véritables destructions à des intervalles de dix mille cinq cents ans. M. Adhémar, comme on le voit, est ainsi ramené par l’étude des changemens de position de l’orbite terrestre à la théorie des âges. Cette théorie remonte à la plus haute antiquité ; elle a trouvé dans l’Inde sa forme la plus logique et la mieux définie. Selon les Hindous, les mondes se succèdent dans une perpétuelle alternative de destructions et de renouvellemens. Quatre périodes ou yougas embrassent l’ordre chronologique des choses, et dans chacun de ces yougas le mal augmente à mesure que le bien diminue. La durée de la vie humaine décroît proportionnellement. Les quatre yougas forment un total de quatre millions trois cent vingt mille années humaines ou douze mille années divines, ensemble qui constitue un âge divin ou mahayouga, dont il faut soixante et onze plus un satya-ouga, ou âge de justice et de félicité, pour faire un manwantara ; mille de ces périodes font un calpa, ou jour de Brahma ; chaque calpa est terminé par un déluge universel, à la

  1. Voyez à ce sujet le curieux travail de M. A. Morlot, intitulé Études Géologico-Archéologiques en Danemark et en Suisse, dans le tome VI du Bulletin de la Société Vaudoise des Sciences naturelles Lausanne 1860.