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pourront bien ne pas sembler satisfaisantes, et là se trouve certainement une des plus graves objections qui puissent être faites à la théorie de M. Adhémar.

Sans entrer dans des distinctions sur les diverses successions des faunes de l’âge quaternaire, M. Le Hon fait remarquer que le transport de restes d’animaux loin des lieux où ils ont vécu peut conduire à de fausses inductions sur le climat et la physionomie du règne animal ou végétal des contrées qui renferment aujourd’hui ces restes. Les eaux ont porté souvent à de grandes distances les coquilles et les ossemens qu’elles avaient submergés, et il explique par cette cause la distribution des fossiles observée en Europe. Si ï’on jette les yeux sur une carte orographique de cette partie du monde, on verra que la chaîne de l’Apennin s’infléchit vers l’ouest au nord de Florence et enveloppe le val d’Arno supérieur. Un courant océanique qui viendrait du sud et passerait sur le Sahara s’engouffrerait entre l’Atlas et la Sardaigne d’un côté, la Sicile de l’autre, et, balayant les terres basses de l’Italie occidentale, il roulerait vers le nord tous les animaux qu’il aurait submergés. C’est donc dans le val d’Arno, barrière infranchissable des Apennins, que viendrait s’accumuler le vaste ossuaire. Une autre branche du courant porterait dans la vallée du Pô les débris roulés entre l’Italie et la Dalmatie, et ces débris joncheraient les plaines de la Lombardie. Or c’est précisément ce qui s’observe, Par un phénomène analogue, les eaux venues du sud coururent sur les vastes plaines de l’Inde et accumulèrent les animaux contre les monts Siwalik, qui forment les contre-forts méridionaux de la chaîne de l’Himalaya. Au nord de cette chaîne, on ne signale point d’ossemens ; les innombrables éléphans laineux et les rhinocéros qui peuplaient l’Asie centrale ont été transportés jusque dans la Mer-Glaciale, et leurs ossemens couvrent le nord de la Sibérie.

Voilà ce qu’a produit, d’après M. Le Hon, l’avant-dernier cataclysme. Que de vastes étendues du sol, actuellement émergées, aient été à une époque plus ancienne recouvertes par l’Océan, c’est ce qu’il est difficile de nier. Récemment M. Thomassy vient de montrer à l’embouchure du Mississipi et près de la Rivière-Rouge de semblables alternances. Le même observateur signale aussi des amas de lignites dans les couches supérieures du bassin du fleuve, circonstance qui rappelle ce qu’on remarque en Europe pour d’anciennes tourbières, dans une partie des anciennes forêts souterraines, dans certains braunkohles des Allemands. Ce sont des végétaux noyés par le retour de la mer et demeurés sous le sable qu’elle a déposé. De ce phénomène local à une subversion totale de nos continens, la distance est grande toutefois, et de nouvelles observations