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tant de raison les petits nuages noirs qui apparaissent tout d’un coup au milieu d’un ciel serein. Ces nuages, qu’on nomme œils de bœuf, grandissent rapidement et remplissent bientôt tout le ciel : alors la tempête se déclare. Grâce à ces divers pronostics, la marche des ouragans de l’Océan-Atlantique est aujourd’hui assez bien connue pour qu’on puisse en annoncer l’approche d’un port à l’autre sur les côtes des États-Unis. Sur le bord occidental de la région parcourue par ces tempêtes, le vent souffle du nord-est, et du sud-ouest sur le côté opposé de la zone. Le long des côtes de l’Amérique du Nord, le vent des tempêtes est donc ordinairement un vent du nord, ce que Franklin avait déjà remarqué ; quand elles viennent affleurer l’Europe, c’est au contraire un vent du sud-ouest.

Les tempêtes qui prennent naissance dans les limites mêmes de la zone tempérée sont beaucoup moins importantes et beaucoup plus irrégulières que celles qui ont pour berceau les régions tropicales. Elles sont dues apparemment à la rencontre des courans polaire et équatorial, qui, au lieu de se traverser ou de se superposer en couches parallèles, entrent directement en lutte. Lorsque l’une de ces grandes masses d’air refuse en quelque sorte le passage à l’autre, il se produit une grande accumulation d’air, et le baromètre monte très haut. Bien trompé serait alors celui qui, se fiant aux inscriptions de l’échelle barométrique, annoncerait le beau temps fixe : un épouvantable ouragan lui donnerait bientôt un démenti.

La grêle, un des phénomènes météorologiques les plus bizarres, prend d’ordinaire naissance dans des tourbillons ou trombes d’air qui sont des miniatures des grandes tempêtes tournantes. On peut en prévoir l’approche quand on voit se former un nuage en colonne qui touche la terre d’un côté, de l’autre le ciel, avec des contours nettement accusés. Une espèce de bruissement particulier annonce la chute des petits projectiles de glace, qui se forment par le tournoiement rapide d’un grain de neige à l’intérieur d’un nuage où il se trouve sans cesse jeté du côté le plus chaud au côté le plus froid, et s’entoure ainsi chaque fois d’une couche de glace nouvelle.

Par les renseignemens qu’elle fournit, la météorologie s’est trouvée en mesure de rendre des services immenses à la marine, et le cercle de ces heureuses applications doit s’étendre chaque jour. Chaque année, le nombre des naufrages, ou du moins la proportion de ces catastrophes au nombre des navires nécessaires au commerce du monde, ira en diminuant, à mesure que l’on connaîtra mieux les règles que la nature s’impose jusque dans ses fureurs les plus sauvages, et que la télégraphie électrique mettra plus de points terrestres en communication, soit sur les continens, soit à travers les mers. La météorologie marine restera sans contredit la branche la plus essentielle et la plus utile de la science nouvelle, dont j’ai présenté