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dame de Séville attachée aux idées nouvelles. Un domestique infidèle dénonça cette dame, dont le fils, surpris par une visite des familiers du saint-office, livra lui-même les écrits de Constantino. C’était plus qu’il n’en fallait pour le perdre. Conduit dans les cellules de l’inquisition, il avoua que ses doctrines étaient conformes à ce qu’il avait écrit ; mais ses aveux ne compromirent personne. On rapporte que Charles-Quint, en apprenant son arrestation, s’écria : « Si Constantin est hérétique, il est grand hérétique. » Et en effet, ajoute naïvement Sandoval, les juges qui le condamnèrent l’ont reconnu tel. Enfermé dans un cachot infect, privé d’air et de lumière, Constantino succomba, et les inquisiteurs répandirent le bruit qu’il avait lui-même mis fin à ses jours.

L’église de Séville n’en était pas moins constituée, grâce aux efforts d’Egidius, de Constantino et d’un autre élève de l’université d’Alcala, le docteur Vargas. Un second foyer principal de propagande réformiste existait à Valladolid, et les deux églises communiquaient entre elles. Il n’est pas étonnant que le protestantisme ait pris consistance dans deux villes aussi considérables que Séville et Valladolid. Séville était le grand entrepôt du commerce des deux mondes, le rendez-vous de tous les peuples. Valladolid jouissait de tous les avantages d’une capitale sans en avoir le titre : les rois d’Espagne y résidaient de préférence. Ce furent les deux centres de la réforme, et c’est là qu’il faut étudier le protestantisme espagnol dans ce que nous avons appelé la période des persécutions.

L’inquisiteur général, au commencement du règne de Philippe II, était Fernando de Valdès, archevêque de Séville. Sans se laisser toucher par les avis multipliés de Charles-Quint, Valdès resta fidèle à la méthode qui lui était propre ; il temporisa, procéda avec lenteur. On put croire, pendant qu’il préparait la ruine de l’hérésie, que l’inquisition était endormie, et jamais elle ne fut plus vigilante. Le grand-inquisiteur envoya partout ses émissaires, multiplia ses espions, attendit patiemment les dénonciations volontaires, les rapports des délateurs, et quand il fut sûr de sa proie, il frappa un coup décisif : les hérétiques furent arrêtés le même jour dans plusieurs endroits à la fois. De même au XIVe siècle, lors du grand massacre des Juifs, le signal fut donné instantanément, et l’exécution simultanée dans toutes les villes du royaume. On traîna les procédures en longueur, non-seulement à cause du grand nombre des inculpés, mais encore dans l’espoir que les tortures amèneraient des aveux plus complets et révéleraient des complices. Enfin, quand les procès furent instruits, on songea à préparer le triomphe. C’était le nom de la cérémonie que l’inquisition célébrait avec grand apparat avant de livrer les coupables au bras séculier ; c’était aussi ce qu’on appelait un acte de foi, non sans raison, observe un réformateur