Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/466

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commun dévouement à la chose publique les peuples et les rois ; qui a vu cependant la liberté courir de téméraires aventures, subir de funestes échecs, et qui n’a pas désespéré de son avenir, le croyant immortel, au prix de l’expiation et du dévouement. Ainsi s’expliquent les qualités personnelles du roi Oscar. Il avait une instruction à la fois profonde et variée, en science militaire, en marine, en législation ; il laisse, comme on sait, un livre, Des Peines et des Prisons, où se rencontrent des pages éloquentes sur le droit de grâce royal et sur la peine de mort. Ainsi s’explique l’éducation qu’il a donnée à ses fils ! Celui qu’il a perdu le 24 septembre 1852, le prince Gustave, s’annonçait comme un protecteur éclairé des lettres et des arts ; il a laissé toute une œuvre de musique religieuse empreinte d’une grande élévation d’âme et d’une tristesse profonde. L’aîné, aujourd’hui Charles XV, s’est distingué à la fois par des travaux de géographie et de statistique et par quelques compositions littéraires qui trahissent en même temps une étude enthousiaste du grand passé du Nord et une préoccupationtrès louable de son présent et de son avenir. Le prince Oscar-Frédéric, frère du nouveau roi, a publié un poème où se reflètent les espérances que la Suède avait un instant conçues en 1854 et 1855, et où les glorieux souvenirs de la (lotte, à la tête de laquelle le prince est placé, apparaissent comme une ardente aspiration vers une carrière nouvelle.

Le prince Auguste, avec les deux jeunes fils du prince Oscar-Frédéric, achèvent de promettre à la dynastie de Bernadotte une longue possession des deux couronnes de Suède et de Norvège. Cette dynastie est déjà parvenue à la quatrième génération, et chacune de ces générations est représentée encore aujourd’hui dans la maison royale, puisque la veuve de Bernadotte, survivant à son mari, à son fils, à l’un de ses petits-fils, voit grandir ses arrière-petits-enfans. La Suède était donc bien inspirée quand elle demandait à la famille du prince de Ponte-Corvo d’assurer à un trône devenu vacant un lendemain et une longue durée. Après une mutuelle adoption, peuple et roi ont conclu une intime et durable alliance, et si Oscar Ier nous a offert l’exemple d’un honnête homme assis sur le trône, ce spectacle ne s’est pas séparé pour nous de celui de deux nobles nations avançant chaque jour dans la voie du progrès social et moral. Cette union et ce progrès réalisaient les désirs du roi Oscar, ils étaient sa récompense ; il faut lui faire hommage, alors même que son influence personnelle n’intervient pas, de tout ce qui s’est fait de bien pendant son règne, et son respect scrupuleux de la liberté est devenu pour la famille souveraine de Suède et de Norvège le fondement le plus sûr et le plus inébranlable.


AUGUSTE GEFFROY.