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impatiemment son indépendance et voudrait l’absorber. L’esprit public allemand se tourne vers cette conquête avec convoitise. Les gouvernemens, pour se faire bien venir, ne voient rien de mieux à tenter que de satisfaire cette passion et de détourner de ce côté l’ardeur populaire. La Prusse, qui, par sa position géographique, est en contact immédiat avec les états danois, ne veut pas laisser aux états secondaires de la confédération, à la tête desquels se place le Hanovre, le mérite de déployer contre l’ennemi désigné le plus d’activité véhémente et jalouse ; elle voudrait d’ailleurs devenir puissance maritime, et les ports excellens du Slesvig avec les côtes voisines lui permettraient d’abriter des navires et lui fourniraient des matelots : elle est donc doublement intéressée à persécuter le Danemark pour le compte de l’Allemagne et pour son propre compte. De son côté cependant, l’Autriche, comme puissance allemande, ne pense pas le moins du monde à s’effacer dans cette question et à céder le beau rôle à la Prusse, de sorte qu’elle intervient aussi dans ce véritable steeple-chase de popularité. Les absurdes obligations du helstat imposées en 1852 au Danemark fournissent aux efforts réunis de toute l’Allemagne trop d’occasions d’intervenir dans les affaires danoises, et la diète germanique se pose incessamment en protectrice des duchés allemands de Lauenbourg et de Holstein ; mais l’organisation des rapports entre ces duchés et le reste de la monarchie danoise n’est que le prétexte et non le but de l’intervention allemande : elle en veut au Slesvig, qu’il s’agit, en le rattachant illégalement au Holstein, de ravir au Danemark. Là est le nœud de la question ; si une fois le Slesvig était détaché des états purement danois, ne fût-ce qu’administrativement, l’influence germanique envahirait même le Jutland, et le Danemark serait entièrement perdu. D’ailleurs il n’est pas question seulement de liens administratifs et d’influence politique ou morale ; c’est par les armes que l’Allemagne prétend agir, et les Danois sont perpétuellement sous le coup d’une seconde guerre contre la confédération allemande, après celle qu’ils ont soutenue en 1848 avec tant de courage et de succès malgré l’infériorité du nombre.

En de telles circonstances, on comprend avec quelle anxiété ils cherchent aux quatre points de l’horizon qui pourrait les secourir. S’ils voient la France, dont ils savent que le gouvernement et l’opinion leur sont sympathiques, donner à l’Allemagne par quelque côté de très graves inquiétudes, ils se rassurent ; mais s’ils imaginent que, dans des vues d’agrandissement personnel elle puisse être tentée de chercher de quoi flatter quelque puissance allemande qui leur soit voisine et de quoi lui offrir à l’occasion des compensations acceptables, ils tremblent. Ils savent que l’Angleterre aussi leur témoigne diplomatiquement du bon vouloir ; mais ils réfléchissent que