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un corps d’armée suédo-norvégien est venu au secours du Danemark, envahi par la Prusse ; mais la guerre n’eût pas même commencé du côté de l’Allemagne sans aucun doute, si l’on eût appris sur la rive droite de l’Eyder que les Danois fissent désormais partie intégrante d’une Scandinavie fortement unie. Il faut donc que la pensée de l’unité Scandinave rencontre enfin son accomplissement ; il faut qu’elle sorte de l’ombre stérile des idées particulières, du domaine des efforts littéraires et des sympathies affectueuses, pour prendre une forme et un corps ; il faut qu’elle soit inscrite dans les lois et dans les conventions mutuelles, qu’elle se fasse reconnaître au dehors par les autres nations de l’Europe. Elle doit, en un mot, nous conduire à une alliance politique. Jamais, pour une telle alliance, le moment ne pourra être plus favorable,’puisque les deux rois, Oscar et Frédéric VII, sont liés aujourd’hui par une intime et réciproque amitié, par une entière conformité de sentimens et de vues sur tout ce qui concerne les intérêts du Nord. Toutefois il faut faire un pas de plus ; cette alliance elle-même ne serait pas complètement sûre pour l’avenir : nul ne peut savoir de quels conseils s’entoureraient leurs successeurs, et à quelles inspirations ils pourraient obéir. L’union politique serait toujours en péril. Il faut de toute nécessité la garantir par l’unité dynastique. »

Ces dernières paroles, dont l’impression se confondait avec celle que produisaient les paroles royales, apportaient un élément nouveau dans la question Scandinave et empruntaient une gravité particulière de l’état présent et des malheurs du Danemark. L’affaire de la vente des domaines situés dans les duchés allemands, que le gouvernement danois voulait ranger dans la catégorie des affaires communes à toute la monarchie, venait de réveiller le perpétuel esprit d’hostilité qui animait l’Allemagne contre les Danois. Poussée en avant par les états secondaires, qu’elle ne voulait pas voir prendre à sa place un rôle auquel s’attachait un grand prestige de popularité, la Prusse multipliait auprès du cabinet danois ses remontrances et bientôt ses menaces. À l’intérieur, la situation n’était pas moins difficile : de déplorables intrigues, des tiraillemens funestes dans les hautes régions du pouvoir entre le parti constitutionnel et un parti décidément, quoique secrètement absolutiste ; des efforts redoublés de ce dernier parti pour faire abdiquer le roi Frédéric VII, dans l’espoir d’arriver prochainement, sous le règne de l’héritier désigné en 1852 par l’Europe, à renverser la constitution de 1849, à laquelle ce prince n’a pas encore aujourd’hui prêté serment ; un profond désespoir enfin du parti national en présence du misérable avenir que la diplomatie, à moins qu’elle ne se ravisât, avait préparé au pays.

C’est au milieu de ces tristes circonstances, — le roi de Danemark pouvant cesser bientôt de régner et ne laissant pas d’héritier direct ;