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attendre pour être livrés à la consommation bien au-delà du terme où les autres vins sont potables. C’est que parmi les réactions qui graduellement dégagent l’arôme plus agréable et la saveur plus douce des grands vins, il en est une qui, relativement aux vins de la Gironde, exige un temps plus long proportionné aux doses plus fortes de tanin qu’ils recèlent. Or ce principe immédiat en qui réside l’astringence n’abandonne que lentement cette propriété prédominante, à mesure que spontanément, ou sous l’influence d’une fermentation spéciale, il se change en acide gallique dont la saveur persiste, et s’ajoute à l’astringence amoindrie des vins de Bordeaux plus ou moins vieux. L’abondance primitive du tanin dans les moûts de la Gironde exerce d’ailleurs pendant toute la durée des fermentations une action antiseptique favorable à la conservation du vin, soit en s’unissant aux substances azotées très altérables, soit en se précipitant avec elles dans les dépôts ou lies au fond des tonneaux.

On ne compte guère que trois grands vins de Bordeaux, provenant des vignes de Château-Margaux, Château-Laffitte et Châleau-Latour ; viennent ensuite les Haut-Brion, Branne-Mouton, Pontet-Canet, Léoville, Château-de-Gruau-Larose, Saint-Emilion, Pichon-Longueville, Cos-d’Estournelle, etc. On range dans une troisième classe les Saint-Julien, Château-de-Bécherelle, Château-Carnot, Cantenac, etc. Enfin Saint-Estephe, Pauillac et quelques autres de Labarde et Margaux, plusieurs crus inférieurs des mêmes localités, forment une quatrième classe des vins de la Gironde.

Parmi les vins blancs, le cru du Château-Yquem tient le premier rang au-dessus des vins, renommés toutefois, de Sauterne, Barsac, et des Graves, Langon, Blanquefort, etc.

Dans les vignobles moins favorisés des palus, où règnent une humidité constante et une inégale insolation, les vins désignés également sous le nom générique de Bordeaux sont moins généreux et se conservent bien toutefois en raison des proportions de tanin qu’ils recèlent, et dont on doit même longtemps attendre la transformation, qui, par degrés, fait dissiper leur trop forte astringence[1].

  1. La valeur moyenne des grands vins hors ligne du Médoc se trouve comprise entre 2,000 et 6,000 francs le tonneau de 912 litres, soit de 219 à 548 francs l’hectolitre. La plus grande partie de ces vins de première classe se consomment à l’étranger. Les vins de 2e classe valent de 1,200 à 1,400 francs le tonneau.br/> Les vins de 3e — 800 à 900 —
    Les vins de 4e — 700 à 800 —
    Les vins de 5e — 600 à 700 —