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sa propre alimentation, notamment les composés minéraux et organiques azotés. Ces conditions normales favorisent sa végétation et sa reproduction ; mais lorsqu’elle est placée dans de l’eau sucrée sans les autres alimens assimilables aux corpuscules qui font partie intégrante de son organisation, elle ne peut que dépérir après avoir excité la transformation du sucre en alcool et gaz acide carbonique. Tel est effectivement le résultat final dans ce cas[1].

M. Pasteur, le savant directeur des études scientifiques à l’École normale, a depuis constaté expérimentalement que les composés ammoniacaux dissous dans l’eau sucrée avec du phosphate de chaux pouvaient suffire à la nutrition et à la reproduction de la levure. Un professeur distingué, M. Berthelot, vient d’annoncer que ce n’est pas la levure tout entière qui possède la propriété de transformer le sucre en alcool et en gaz carbonique, mais que cette propriété remarquable réside dans un principe soluble sécrété par la levure : les réactions spéciales de plusieurs autres fermens reposeraient sur une base semblable.

On connaît en somme aujourd’hui d’une manière bien plus précise qu’autrefois les principes de la fermentation alcoolique, les circonstances qui la favorisent et celles qui l’entravent. Les germes latens de la levure particulière qui se produit dans le raisin dès que le jus s’écoule librement des cellules où il était renfermé respirent, s’animent, commencent à réagir sur la substance sucrée, à déterminer peu à peu la transformation en alcool, qui demeure dans le liquide, et en gaz, qui s’exhale ; la température s’élève graduellement, et la réaction n’en est que plus active. Cependant, soit que la température s’élève trop, soit qu’au contraire elle s’abaisse au-dessous d’un certain terme, deux accidens fâcheux sont imminens : dans le premier cas, en présence de l’air, une autre fermentation se développe, produisant en abondance l’acide acétique ; le vin bientôt serait partiellement changé en vinaigre. Dans le second cas, la fermentation, interrompue brusquement par un abaissement subit de température, laisse le ferment se précipiter et s’engourdir au fond de la cuve. Il devient difficile alors de ranimer dans toute la masse une fermentation régulière. Quels sont donc les moyens de régulariser

  1. Dans un grand nombre de réactions spontanées et plus complexes sur les matières végétales et animales, les fermentations acides, putrides ou ammoniacales, sont activées par des fermens organisés : ces êtres microscopiques, c’est-à-dire isolément invisibles à l’œil nu, séminules des diverses végétations cryptogamiques, comprennent des milliers d’espèces distinctes susceptibles de se développer au sein d’une foule de substances organiques solides ou liquides, et d’exercer des influences funestes à l’hygiène publique lorsque, à défaut des soins dont les populations en général ignorent l’importance, ces substances s’accumulent, s’altèrent, fermentent et exercent spontanément autour de nous leur action délétère.