Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/322

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mal pourtant. De cette façon, les corps de l’état s’effacent. La constitution, au lieu d’avoir trois pouvoirs, se réduit à un seul. Nous croyons donc que le pays avait tort, en 1859, d’oublier qu’il y a un sénat qui reçoit des pétitions, qui peut entendre et faire connaître les sentimens publics. Seulement le pays eût pu répondre, si quelqu’un lui eût reproché de ne s’être point adressé au sénat pour exprimer ses vœux en faveur de la paix, le public aurait pu répondre qu’on ne change pas du jour au lendemain les habitudes qu’on a prises ou qu’on nous a laissé prendre depuis plusieurs années. Il ne suffit pas que les corps de l’état soient inscrits dans la constitution pour que le public entre aussitôt en communication avec eux. La sympathie entre les corps publics et le peuple est chose difficile à établir. Il faut pour cela se donner de la peine ; peut-être surtout y faut-il absolument, une condition que je ne trouve pas dans les attributions du sénat : il y faut la publicité. Un corps qui délibère en secret est bientôt un corps oublié, ou bien il faut qu’il se révèle par ses actions. Triste chose pour un corps que d’être obligé tous les jours à de grandes actions ! La publicité quotidienne et régulière a au contraire cet avantage de mettre les corps délibérans en rapport avec le public sans éclat et sans apparat. Les entendant parler tous les jours, le pays s’habitue à les écouter. Il se fait une opinion publique qui va sans cesse du peuple aux corps délibérans, et des corps délibérans au, peuple. La publicité est la vie des assemblées, et de nos jours la publicité, c’est la publication.

J’insiste sur l’insouciance qu’avait le public en 1859 à l’égard du sénat, parce que cette insouciance a cessé. Inquiets de la situation que les suites de la guerre d’Italie faisaient à la papauté, un grand nombre de catholiques français ont réclamé auprès du sénat. Le sujet de ces pétitions était grave et important ; la discussion du sénat a été sérieuse et étendue. Le gouvernement alors, par une décision dont je ne puis que le féliciter, a publié cette discussion dans le Moniteur. Cette publicité a rompu la glace. Le droit de pétition, qui n’avait qu’une existence de droit, est devenu un droit vivant, et les discussions politiques, qui ne se rencontraient plus que dans les journaux et qui s’y rencontraient sous une forme timide et incomplète, ont reparu dans la publicité sous la forme qui leur est le plus propre, sous la forme de délibérations parlementaires.

Le gouvernement avait-il le droit de publier les discussions du sénat malgré l’article 24 de la constitution, qui dit que les séances du sénat ne sont pas publiques ? Le gouvernement n’aurait pas, d’après cet article, le droit d’admettre le public aux séances du sénat ; mais il a le droit de publier les procès-verbaux des discussions du sénat. L’article 41 du règlement intérieur du sénat dit que les pro-