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immutabilité ou son infaillibilité : il est dit dans l’article 31 que « le sénat peut proposer des modifications à la constitution. Si la proposition est adoptée par l’empereur, il y est statué par un sénatus-consulte. » L’article 32 ajoute : « Néanmoins sera soumise au suffrage universel toute modification aux bases de la constitution, telles qu’elles ont été posées dans la proclamation du 2 décembre 1851 et adoptées par le peuple français. » Étant réformable, la constitution de 1852 est donc discutable.

Je n’ai point d’ailleurs l’intention de beaucoup insister sur les défauts de la constitution de 1852 ; je veux bien plutôt chercher quel usage le parti libéral peut faire de cette constitution, quelles ressources elle lui donne, quels expédiens elle lui ménage, quelles difficultés elle lui crée, quelle conduite par conséquent elle lui impose ou lui conseille. Je ne suis pas le moins du monde de ceux qui croient que le parti libéral, s’il reprend peu à peu quelque force dans les élections, n’a rien de mieux à faire que de travailler à la destruction de la constitution de 1852. Il est toujours facile en France de défaire une constitution et d’en refaire une autre. Personne n’a plus que nous en Europe l’amour du papier légal et de l’écriture constitutionnelle : nous tenons fabrique de constitutions ; mais nos constitutions durent peu en général, grâce à la mauvaise pratique que nous en faisons. Voici en effet ce qui arrive ordinairement. D’un côté, les partisans de la constitution régnante en exagèrent le principe dominant jusqu’à le rendre insupportable ; d’autre part, les ennemis ne songent qu’à détruire ce principe pour en faire prévaloir un autre. Est-ce le principe de liberté qui domine dans la constitution ? les amis le poussent jusqu’à la licence ; est-ce le principe d’autorité ? on le fait aboutir à l’autocratie. Les institutions en France n’auront quelque stabilité que le jour où, prenant de meilleures habitudes, les partisans de la constitution régnante s’emploieront à en régler et à en modérer l’esprit, et où ses adversaires chercheront de bonne foi quel usage ils peuvent en faire : La conscience n’est pas tenue d’aimer tout ce qu’elle supporte, et l’usage qu’on fait d’une constitution ne veut pas dire qu’on la trouve excellente.

Quand je conseille au parti libéral d’entrer dans la constitution de 1852 et de tâcher de s’y loger, je sais très bien que je ne m’adresse point à l’ancien parti libéral auquel je m’honore d’appartenir : nos habitudes sont prises, et nous sommes trop âgés pour en changer ; mais je ne suis pas de ceux qui croient qu’il ne peut y avoir de parti libéral en France que celui de 1825 ou de 1830. Il y aura, il y a déjà, soyons-en sûrs, un nouveau parti libéral qui a ses idées et ses sentimens, ceux de son temps et non ceux du temps