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n’aurez plus à vous plaindre de moi. Je le jure par tout ce qu’un homme peut avoir de sacré, par ma mère !

Après avoir ainsi réparé sa faute et rassuré Caroline, dont le départ eût fait échouer son plan, le duc se mit à lui parler d’Urbain avec un véritable enthousiasme. Il y avait en lui sur ce point tant de sincérité, que Mlle de Saint-Geneix abjura ses préventions. Le calme revint donc dans son esprit, et elle s’empressa d’écrire à Camille que tout allait bien, que le duc valait infiniment mieux que sa réputation, et que, dans tous les cas, il s’était engagé sur l’honneur à la laisser tranquille.

Pendant le mois qui suivit cette journée, Caroline vit fort peu M. de Villemer. Il eut à s’occuper des détails de la liquidation de son frère, puis il s’absenta. Il dit à sa mère qu’il allait en Normandie voir un certain château historique dont le plan lui était nécessaire pour son ouvrage, et il prit une route tout opposée, confiant au duc seul qu’il allait voir son fils dans le plus strict incognito. De son côté, le duc fut très occupé de son changement de position pécuniaire. Il vendit ses chevaux, son mobilier, congédia ses laquais, et vint, à la demande de sa mère, s’installer provisoirement, par économie, dans un entresol de son hôtel, qui allait être vendu aussi, mais avec cette réserve que le marquis resterait pendant dix ans principal locataire, et que rien ne serait changé dans l’appartement de sa mère.

Quant à Urbain, il monta trois étages et entassa ses livres dans un logement plus que modeste, protestant qu’il n’avait jamais été mieux, et qu’il avait une vue magnifique sur les Champs-Élysées. Durant son absence, on fit les préparatifs de départ pour la campagne, et Mlle de Saint-Geneix écrivait à sa sœur : « Je compte les jours qui nous séparent de cette bienheureuse campagne, où je vais enfin marcher à mon aise et respirer un air pur. J’ai assez des fleurs qu’on voit mourir sur la cheminée : j’ai soif de celles qui éclosent en plein champ. »

George Sand.

(La seconde partie au prochain n°.)