LE MARQUIS DE VILLEMER
PREMIÈRE PARTIE.
I.
Ne t’inquiète donc pas, chère sœur, me voilà arrivée à Paris sans
accident ni fatigue. J’ai dormi quelques heures, j’ai déjeuné d’une
tasse de café, j’ai fait ma toilette, et dans un instant je vais prendre
un fiacre et me présenter à Mme d’Arglade pour qu’elle me
présente à Mme de Villemer. Je t’écrirai ce soir le résultat de la
solennelle entrevue, mais je veux d’abord jeter ces trois mots à la
poste pour que tu sois rassurée sur mon voyage et ma santé.
Prends courage avec moi, ma Camille, tout ira bien ; Dieu n’abandonne
pas ceux qui comptent sur lui et qui font leur possible pour
aider sa douce providence. Ce qu’il y a eu de plus douloureux pour
moi dans ma résolution, ce sont tes larmes et celles des chers petits :
j’ai de la peine à retenir les miennes quand j’y pense ; mais il
le fallait absolument, vois-tu ! Je ne pouvais pas rester les bras
croisés quand tu as quatre enfans à élever. Puisque j’ai du courage,
de la santé, et aucun autre lien en ce monde que ma tendresse pour
toi et pour ces pauvres anges du bon Dieu, c’était à moi de partir