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quelque nom qu’on veuille lui donner, capable d’administrer par lui-même utilement et offrant à l’état toutes les garanties nécessaires. Jusqu’ici, on a vu fonctionner deux systèmes opposés en apparence et ayant au fond les mêmes vices. Tantôt c’est une grande concentration administrative, tantôt c’est un morcellement de l’état en une multitude de petits centres incapables de se gouverner et auxquels on ne peut laisser sans danger une entière liberté. C’est entre ces deux extrêmes que doit se placer, selon moi, une décentralisation bien entendue. Dans un pays comme l’Italie, où la vie locale a été et est toujours si puissante, on peut assurément imaginer l’existence d’un grand nombre de centres administratifs secondaires, quoique importans encore, et ayant chacun en quelque sorte son gouvernement propre. Si je ne me trompe, avec le progrès naturel des lumières, avec la diffusion des principes d’un régime libéral, il n’y aurait aucun danger pour l’état à confier sans restriction toute l’administration de la province à un conseil élu par le peuple et à un corps de magistrats émané de ce conseil. Un aveugle esprit de routine peut seul trouver de l’avantage à créer une série d’autorités administratives à différens degrés. Le pouvoir nouveau que j’imagine n’est ni le centre administratif d’un grand état, ni l’autorité trop imparfaite d’une très petite localité ; c’est un pouvoir formé d’hommes instruits, indépendans, estimés dans tout le pays, et qui par conséquent ont le droit de fonctionner librement et de régler les choses essentielles de la province, telles que la police, les institutions de charité et de bienfaisance, l’instruction primaire, secondaire et technique, la construction et l’entretien des routes, des édifices et des monumens publics, la perception des impôts, etc. Toutes ces branches d’administration locale seraient confiées gratuitement à des députations formées d’hommes spéciaux et compétens.

Je sais bien quelle est l’objection qui s’élèverait contre ces idées dans les esprits habitués à la routine administrative : c’est que les municipalités, lorsqu’elles ont été laissées un peu trop libres d’agir, n’ont fait que des dépenses folles et des entreprises ruineuses en suivant l’impulsion des rivalités et des ambitions municipales. Grâce à Dieu, nous possédons aujourd’hui un grand correctif à ces abus : c’est la liberté avec toutes les institutions qui en découlent. Je le répète : dans les principales villes d’Italie, il y a ou il y aura bientôt des journaux, des cercles littéraires, des sociétés d’agriculture et d’économie politique, des écoles d’arts et métiers, des expositions industrielles, etc. : avec ces élémens, peut-on imaginer qu’il y ait du danger à confier toute l’administration locale aux magistrats élus par la province ? Au contraire, il est évident que l’autorité provinciale réunirait toutes les conditions d’une bonne et sage administration.

Ce n’est pas un projet que je formule ici, pas plus que je ne demande la transformation brusque de tout notre système administratif : je demande seulement à mes concitoyens et à mes collègues du parlement de prendre en considération ces idées et de les avoir toujours présentes à l’esprit dans