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tique se forme en ce moment contre le Piémont. Parmi les grandes puissances continentales, la Prusse et la Russie ne cachent pas leur déplaisir ; l’Espagne aussi paraît se mêler à la colère générale. L’irritation des cours n’aura, nous l’espérons, aucun effet immédiat et direct contre le Piémont et l’Italie. Ce n’est peut-être pas la faute du cabinet de Pétersbourg, si l’on n’a pas fait tout de suite, et à propos des événemens de Sicile, quelque démonstration significative. On prétend que le prince Gortchakof aurait voulu envoyer dans les eaux des Deux-Siciles, de concert avec la France, une flotte destinée à empêcher les progrès d’un état de choses que la Russie voit avec un profond mécontentement. S’il est vrai qu’une pareille invitation ait été adressée à la France par le cabinet de Pétersbourg, nous ne doutons pas que notre gouvernement ne l’ait déclinée. Le principe de non-intervention proclamé et pratiqué par la France mettra obstacle à toute tentative d’ingérence de la part des autres puissances dans les affaires d’Italie. Les cabinets qui ne cachent pas l’inquiétude que leur inspire la situation de la péninsule s’abstiendront de toute démarche directement hostile à la révolution italienne ; mais il y aurait de la puérilité à s’imaginer que les craintes de ces puissances s’épuiseront sans laisser de trace dans la politique générale de l’Europe. N’y eût-il pour elles d’autre sujet d’anxiété que l’état de l’Italie, qu’il faudrait s’attendre à voir cette situation influer sur les tendances de leur politique et sur le système de leurs alliances. Les progrès de la révolution italienne ne sont pas étrangers, on peut en être sûr, au travail de rapprochement qui s’opère entre les diverses cours germaniques. Ce n’est pas la moindre des causes qui ont décidé le prince-régent de Prusse à prêter l’oreille aux intermédiaires officieux qui veulent réconcilier les deux grandes puissances allemandes. L’on va sans doute trop vite en supposant que le prince de Prusse est déjà prêt à garantir à l’Autriche les provinces italiennes qui lui restent ; mais il dépend peut-être de la marche qui sera imprimée à la révolution italienne que la Prusse soit conduite fatalement à cette conséquence extrême.

La marche de la révolution italienne, au point où en sont venues les choses, peut-elle être ralentie et modérée ? Nous n’hésitons pas à dire que nous le voudrions fort dans l’intérêt de l’Italie et dans l’intérêt de la France, mais nous ajouterons que nous l’espérons peu. Depuis le début des affaires italiennes, nous avons vu clairement que le mouvement de la péninsule devait aboutir à l’unité. Nous le disions à ceux qui en France croyaient travailler à la formation d’une confédération impossible, et nous acceptions cette inévitable conséquence de l’impulsion que la France allait par la guerre donner à l’Italie. Cependant, pour la réussite de cette œuvre difficile, nous eussions souhaité que la force des choses ne la précipitât point, et pour qu’elle s’accomplît avec la lenteur et la sécurité nécessaires, nous eussions voulu que la France conservât assez d’autorité morale sur le Piémont et sur les meneurs de l’Italie pour pouvoir les contenir, les retenir, et les obliger de n’attendre