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agricole. L’un sera la création dans les campagnes de nouveaux industriels allant de ferme en ferme louer aux petits exploitans le travail de machines trop puissantes pour être achetées par ces derniers. C’est ainsi qu’à Niort, en 1859, un entrepreneur bien avisé a préparé pour le public, moyennant la faible rétribution de 30 centimes par hectolitre, et en réalisant de la sorte un beau bénéfice, les blés de semence dont on s’est servi. Cet homme louait l’usage de son trieur tout comme un cocher loue l’usage de sa voiture. C’est encore ainsi que certains entrepreneurs promènent leurs locomobiles dans les diverses granges de plusieurs départemens, et y opèrent à prix débattu le battage des récoltes. Cette extension dans la vie rurale du principe fécond connu sous le nom de division du travail ne peut, en agriculture comme en industrie, que produire les meilleures conséquences.

Mais, et ici je deviens moins affirmatif, les progrès de la machinerie ne finiront-ils point par avoir quelque influence sur l’étendue, sinon des propriétés, au moins des cultures ? Notre code civil, conforme au génie de notre race et à la justice absolue, tend à singulièrement activer, par sa loi des successions, la division du sol. Cette division parcellaire, cet émiettage dont on se plaint parfois trop, est plus apparent que sérieux, parce que beaucoup des parcelles signalées appartiennent aux mêmes propriétaires. Cependant nous voyons disparaître plus de grandes fortunes territoriales que nous n’en voyons se former. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas confondre grande propriété et grande culture. Ce sont deux choses très différentes, puisque nous rencontrons tous les jours de grandes propriétés qui sont divisées en une foule de petites fermes, et de grandes cultures qui sont concentrées entre les mains d’un seul agriculteur, lequel loue ses diverses pièces de terre à plusieurs propriétaires. En France, la moyenne et la grande propriété ne paraissent produire tout, le bien qu’on est en droit d’en attendre que lorsqu’elles se trouvent entourées par la petite propriété, et la préférence semble devoir être accordée à la petite et à la moyenne. En ce qui concerne la culture, les conditions ne sont pas entièrement les mêmes. Les grandes et les moyennes fermes, avec un simple jardinage autour des maisons qu’habitent les ouvriers ruraux occupés sur les exploitations voisines, présentent sans doute la plus heureuse combinaison possible, et le développement de la machinerie agricole ne peut que contribuer à la diminution de la petite culture. On voit à combien de titres le rôle des machines doit préoccuper l’économiste ; essayons maintenant de montrer, d’après les résultats du concours de 1860, quels services variés en peut attendre le cultivateur.