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finit par nommer lui-même une commission qu’il chargea de ce travail, et qu’il prétendit maintenir même après que sa session fut terminée. Rien dans les termes de la loi fondamentale n’autorisait un droit si important, et l’unique précédent qu’on invoquait n’avait aucune valeur. Si le roi eût permis ce nouveau progrès du pouvoir législatif, armé déjà à l’excès contre le pouvoir exécutif, l’équilibre était définitivement rompu, et le parlement de Norvège brisait encore un des faibles liens qui le rattachent au souverain des deux royaumes.

Nous ne tenterons pas d’énumérer tous les épisodes de cette lutte sourde et intestine qui, pendant le règne d’Oscar Ier, malgré les intentions loyales du souverain, ont continué à dissoudre l’union de la Suède et de la Norvège. Il vaut mieux, après avoir expliqué les origines d’un si long conflit, arriver à l’état présent d’une question qui divise depuis cinquante ans la péninsule Scandinave.

Le 2 novembre 1859, dans la chambre des nobles de la diète suédoise, M. le comte Anckarsvärd a fait une motion pour demander la révision du pacte d’union entre les deux peuples. Son exposé de motifs résume les principaux griefs. Pour prix du sacrifice de la Poméranie et de la principauté de Rügen, derniers débris de sa grandeur passée, pour prix d’une grosse somme payée au Danemark, la Suède avait acquis le droit d’exiger que l’union de la Norvège avec le royaume fût réelle et non pas nominale, qu’elle profitât au pays, et non pas seulement à sa dynastie nouvelle. Pourquoi n’en est-il pas ainsi ? L’auteur en accuse Bernadotte lui seul. Dans la première rédaction du traité de Kiel, l’article 4, dit-il, contenait ces mots : « La Norvège sera incorporée à la Suède, » et il paraît que c’est Bernadotte qui y a fait substituer lui-même les expressions actuelles. L’union, mal définie, a toujours été au profit de la Norvège. À partir de la convention de Moss, les Norvégiens ont cru pouvoir réclamer des droits égaux, sans accepter pour cela l’égalité des charges. « Je crois, a dit en finissant M. le comte Anckarsvärd, que la rupture complète de l’union serait préférable pour la Suède à l’état actuel de nos relations. En voyant le peu de prix que les Norvégiens y attachent eux-mêmes, il m’a semblé qu’il était temps que les représentans du peuple suédois rompissent enfin le silence. S’ils sont persuadés comme je le suis qu’on a de ce côté aussi de sérieux motifs de ne pas se féliciter de l’union telle que les Norvégiens nous l’ont faite, et qu’il est d’une sage politique de rechercher pendant le calme les moyens de détruire les occasions de discorde qui, dans un moment de danger, pourraient compromettre l’indépendance politique des deux peuples, je demande que la diète s’adresse au roi pour qu’il veuille proposer aux états de Suède et au storthing norvé