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la vieille cité impériale, la ville des grands archevêques et des conciles, ne reprendra pas son attitude de statue du passé contemplant dans son immobilité le mouvement de la vie moderne tournoyant à ses pieds ?


CHARLES DE MAZADE


HISTOIRE DES ASSEMBLEES POLITIQUES DES REFORMES DE FRANCE (1573-1622), par M. ANQUEZ.


Chaque temps a ses lieux-communs, développés d’abord avec acharnement, puis brusquement remplacés par d’autres, aussi fêtés, et souvent tout contraires. On peut dire de nous tous collectivement ce que M. Ballanche disait d’un de nos contemporains, très vif dans chacune des opinions qu’il a successivement traversées : « C’est un homme qui change souvent d’idée fixe. » Une des idées fixes de notre temps, mais dont quelques heureux symptômes semblent annoncer le discrédit prochain, c’est d’affirmer que la France n’est pas faite pour la liberté, attendu qu’avant 1789 elle n’en a jamais joui, ni même n’a essayé d’en jouir. Bien des gens se laissent patiemment démontrer ce paradoxe ; leur patriotisme, trop modeste, ne s’en effarouche nullement, et c’est avec une résignation parfaite qu’ils se jugent indignes de ce qui fait la dignité des individus comme celle des nations. Il est aisé pourtant de dissiper cette erreur, et c’est ce qu’on a fait, l’histoire à la main. On n’a pas eu de peine à montrer successivement dans l’institution des communes, dans les tentatives du XIVe siècle et du XVIe, de nobles efforts, trop vite étouffés, mais qui ont laissé des traces et des exemples, qui ont eu même un moment de succès. C’est une réponse de ce genre que vient de publier M. Anquez sous ce titre : Histoire des Assemblées politiques des réformés de France.

Dans ce solide et intéressant travail, l’auteur embrasse l’histoire des assemblées politiques des protestans pendant une cinquantaine d’années, c’est-à-dire depuis la Saint-Barthélémy jusqu’à la suppression de ces assemblées en 1622. Sans doute, avant et après ces deux dates, les protestans se sont réunis pour s’entendre sur leurs intérêts communs et pour résister aux persécutions ; mais c’est pendant cette période seulement que leurs assemblées ont eu une portée générale et présenté un remarquable caractère politique. En effet leur organisation est franchement libérale : ce point est à noter ; on a dit et répété que le protestantisme avait été aristocratique ; la forme de ces assemblées est un démenti formel à cette assertion toute gratuite. Elles ont un double caractère qui manque aux états-généraux, la périodicité d’abord, et surtout la fusion des trois ordres. Les délégués qui y siègent sont pris « parmi les plus propres et capables de quelque qualité qu’ils soient. » Tout ce qui intéresse la cause est décidé à la simple majorité des suffrages. C’était un essai de gouvernement représentatif. Sans doute, et le savant historien le remarque avec raison, il n’y faut pas voir une tentative d’organisation politique que les protestans eussent la volonté formelle d’étendre à tout le royaume. Cette espérance était évidemment celle de quelques-uns d’entre eux ; si l’on en croit Vieilleville, la conspiration d’Amboise n’avait pas d’autre but : on trouva sur le chef du complot, le capitaine La Renaudie, « un papier dont le premier article portait que le but des huguenots était de faire observer les anciennes coutumes de France par une légitime assemblée des