Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/977

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et d’utiles enseignemens, permettra de reconnaître et de propager avec une certitude jusqu’alors inespérée les meilleurs cépages, ceux qui seront le mieux appropriés au sol, au climat et aux expositions dans chaque partie de notre territoire où la culture de la vigne peut s’étendre. Ainsi pourront être satisfaits les besoins nouveaux créés par les relations internationales plus étendues qui donnent aujourd’hui une si grande importance aux produits en raisins, vins et eaux-de-vie des grands crus de la France. Par une heureuse coïncidence[1], nous sommes en mesure de donner un premier aperçu des rectifications proposées dans les nomenclatures admises, en supprimant les synonymes inutiles, d’indiquer ainsi les choix à faire parmi les meilleurs cépages, enfin de signaler les noms des variétés de vignes propagées à tort, et dont il convient de rejeter définitivement la culture. Diverses objections se sont produites, il est vrai, contre l’utilité de ces nomenclatures de cépages : on prétend par exemple que les variétés de vignes transplantées dans des localités différentes dégénèrent ou se transforment ; mais nos plus savans viticulteurs, en reconnaissant que les fruits d’un même plant varient avec les conditions de terrain, de culture, d’exposition et de climat, font remarquer qu’il n’y a point là dégénérescence ni transformation, car le même plant, ramené aux conditions primitives, peut donner encore de semblables produits, et toujours des différences du même ordre se maintiendront entre les variétés plus ou moins hâtives ; toujours aussi, par un judicieux choix des cépages, on obtiendra dans chaque région des vins de qualité supérieure. Les préjugés contraires à cette utile méthode ne reposent que sur des observations mal faites[2].

  1. La réunion récente d’un congrès pomologique de nos plus habiles viticulteurs, la plupart membres des sociétés d’horticulture du Rhône, de la Gironde et de nos deux Sociétés centrales d’agriculture et d’horticulture.
  2. Citons à ce propos l’exemple assez curieux d’un professeur de culture peu familiarisé avec certaines habitudes locales. Ayant rapporté lui-même cinq ceps de Fontainebleau, il avait constaté que ces vignes transplantées avaient dès la première fructification produit des raisins dont les grains étaient très serrés, tandis qu’à Fontainebleau les grappes de chasselas portaient toujours des grains assez écartés. Il ignorait sans doute qu’à Fontainebleau on assure artificiellement cet utile écartement des fruits sur chaque grappe en coupant avec de fins ciseaux les grains trop rapprochés les uns des autres : pour rendre les conditions égales, il aurait donc fallu faire venir aussi de Fontainebleau les ouvrières habituées à ce travail, ou du moins adopter leur utile pratique.