Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/972

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

base principale des vins des grands crus de la Bourgogne, de la Champagne et de la Hongrie, qui offrent pour la plupart entre eux de grandes dissemblances.

Le but principal de la culture de la vigne entreprise sur une grande échelle est de produire le fruit dont certaines variétés distinctes forment la base de la fabrication des différens vins ; c’est accessoirement que dans nos vignobles on récolte des raisins de table : ceux-ci donnent lieu à des cultures spéciales moins étendues. Lorsqu’on se propose, en cultivant dans des conditions favorables des cépages choisis, d’obtenir certaines variétés de raisins de table, il est facile d’apprécier directement les qualités qui plairont au plus grand nombre de consommateurs. Que le goût du fruit (saveur et odeur) soit agréable, que la maturité soit régulière et complète au même moment dans toutes les parties de chaque grappe, qu’à cet effet les grains se trouvent naturellement ou soient artificiellement espacés au point convenable, que la pellicule du fruit soit fine, la pulpe sucrée, juteuse et souple, et le but pourra être regardé comme atteint. Il ne saurait en être de même à l’égard des raisins destinés à la fabrication du vin : la dose de sucre spécial (glucose) que le fruit renferme peut bien donner l’indice certain de la proportion d’alcool ou de la qualité vineuse capable de garantir la force et d’assurer la conservation du vin ; mais cette notion, suffisante tout au plus s’il s’agissait de préparer par la distillation de l’alcool ou de l’esprit-de-vin à haut titre, ne saurait faire présager la qualité du vin, ni même celle de l’eau-de-vie de table, que l’on voudrait obtenir à l’aide des moyens usuels de vinification et de distillation. Ce ne serait qu’après l’extraction du jus et l’accomplissement de toutes les phases d’une fermentation convenablement excitée d’abord, modérée ensuite et longtemps prolongée, que l’on pourrait acquérir des données certaines à cet égard. Il importe de connaître la structure du fruit de la vigne, la nature des différens tissus organiques qui le composent ; il faut apprécier le rôle variable suivant les circonstances que peut remplir dans la fermentation chacune des substances que renferme le raisin parvenu au terme de sa maturité. Si la science de l’analyse immédiate n’est pas encore assez avancée pour déceler dans le jus du raisin les principes, en très minimes doses, qui par leurs transformations ultérieures développeront très lentement le bouquet spécial de chacun des vins de nos grands crus, la physiologie végétale et la chimie du moins sont en mesure de mettre en évidence les causes qui favorisent la sécrétion de ces principes immédiats, celles qui développent ou entravent la marche d’une fermentation régulière, etc.

Quiconque a examiné attentivement les différentes parties d’un