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dénominations correspondaient aux mots grecs πρώτος et δευτεραϊος, antérieurement employés pour caractériser les vins qui provenaient également des jus de premier et de second jet obtenus d’un même fruit.

Si l’art de faire le vin, emprunté aux Grecs, était en progrès chez les Romains, ils avaient cependant adopté l’antique coutume d’ajouter au jus de la vendange diverses substances aromatiques, en vue sans doute d’assurer la conservation et de rehausser le goût de leurs vins, moins variés, moins suaves et plus facilement altérables que les produits mieux préparés de nos célèbres vignobles. On trouve en effet dans un curieux recueil du IVe siècle, les Géoponiques, une foule de recettes, populaires chez les Grecs, indiquant, pour cet usage, l’emploi de résines et de plantes que caractérisent des essences odorantes douées d’une forte saveur. Pline rapporte qu’en Italie l’habitude était générale de mélanger aux produits des vendanges de la résine et de la poix, afin de communiquer aux vins faibles une saveur piquante. Les connaissances relatives aux variétés de vignes étaient alors bien peu avancées, car on ne cite qu’un seul ouvrage d’ampélographie, composé par le sénateur Pétrus Crescentius. Encore cet ouvrage ne contenait-il que la description incomplète de quelques espèces de vignes.

Depuis cette époque jusqu’à nos jours, les variétés de vignes se sont tellement multipliées par la voie facile des semis, que l’embarras est devenu grand de choisir entre elles et de s’arrêter aux cépages les mieux appropriés à chacune de nos régions viticoles. La difficulté s’est accrue bien davantage et a dû paraître tout à fait inextricable lorsqu’on s’est aperçu qu’un grand nombre des cépages rangés à juste titre parmi les meilleurs représentaient parfois une même variété connue des nombreux viticulteurs sous vingt dénominations différentes. Comment une pareille confusion a-t-elle pu s’établir dans la nomenclature des vignes ? Il est facile de le comprendre, si l’on songe que chacune des variétés en renom dans une région viticole, multipliée par voie de bouture ou de provignage en d’autres localités où se rencontraient des conditions différentes de sol, de climat, etc., a pu souvent produire des fruits de composition différente et des vins plus éloignés encore du type primitif. C’est ainsi par exemple que la tribu des carmenets ou carbenets, comprenant quatre ou cinq sous-variétés, fournit, suivant des circonstances locales difficiles à déterminer exactement, les excellens vins de longue conservation, mais distincts entre eux, de Château-Laffitte, Château-Margaux, Saint-Emilion, Médoc, Graves. Les mêmes plants introduits en Toscane ont donné des vins très différens, de qualité bien inférieure. C’est ainsi encore que la tribu des pineaux constitue la