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titre de la vérité religieuse. La famille d’Orange était comparable à celle de David ! Il dépendait d’elle, si elle le jugeait nécessaire au bien du pays, de substituer l’absolutisme à la constitution très libérale qu’elle avait jurée, et de toutes les révolutions connues dans l’histoire, outre celle qui jadis mit David en possession du trône de Saül, M. Da Costa n’en connaissait que deux qui fussent légitimes, celle du XVIe siècle dans les Pays-Bas et celle de 1688 en Angleterre. Inutile d’ajouter que le même esprit de réaction inspirait les idées religieuses de cet homme singulier. Dans les premières années de sa carrière publique, il allait jusqu’à légitimer l’esclavage des noirs, sous prétexte que la race de Cham devait, en suite de la malédiction de Noé, être asservie aux deux autres, oubliant sans doute qu’à son point de vue biblique on pouvait lui objecter que les malédictions de l’ancienne alliance sont effacées par la nouvelle. Il niait d’ailleurs, avec une inépuisable fécondité d’hypothèses explicatives, les assertions les plus évidentes de la critique appliquée à la Bible. Ce qui a valu à M. Da Costa une influence que l’exagération de ses idées religieuses n’expliquerait guère par elle-même, c’est d’abord sa renommée très méritée comme poète : il brillait en effet aux premiers rangs de la littérature hollandaise contemporaine. C’est ensuite l’éblouissante faconde avec laquelle il exposait ses vues dans des séances publiques. Écrivain médiocre en prose, il était irrésistible comme orateur.

Du reste, il serait injuste d’attribuer à l’orthodoxie hollandaise dans son ensemble des prétentions aussi bizarres. En réalité, elle est beaucoup moins homogène qu’on ne le croirait à première vue, et parmi ceux que l’on regarde comme ses défenseurs en titre, il en est beaucoup que leurs sympathies pour les vieilles doctrines de la réforme n’empêchent pas de reconnaître sur plus d’un point le bon droit de la raison moderne. C’est ce qui rend quelque peu embarrassante la position de quelques-uns d’entre eux, par exemple de M. Chantepie de La Saussaye, pasteur wallon de Leyde, qui, tâchant de concilier son savoir et ses prédilections au moyen de théories métaphysiques d’une clarté douteuse, s’est trouvé passablement isolé dans le conflit actuel. On serait tenté d’en dire autant des professeurs en théologie de l’université d’Utrecht, qui, à l’exception de M. Ter Haar, dont les tableaux d’histoire ecclésiastique sont fort appréciés, passent pour se rapprocher le plus de l’ancien calvinisme. Cette tendance est au surplus une tradition dans l’université dont nous parlons.

L’individualité la plus remarquable parmi les hommes de talent qui se sont prononcés pour la réaction orthodoxe, sans donner dans l’étroitesse et l’intolérance qu’on a trop souvent pu lui reprocher,