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de l’église s’était assez bien maintenue tant que le premier enthousiasme avait voilé les défauts et comblé les lacunes de la doctrine, il était à prévoir qu’il n’en serait pas toujours ainsi. Et alors revenait l’éternelle question : qu’en sera-t-il de l’église, de la communauté, lorsque les diversités individuelles réclameront le droit de vivre au nom des principes communs à toute la réforme ? Faudra-t-il les proscrire, ou bien tolérera-t-on la coexistence de plusieurs doctrines dans une même société religieuse ?

Ce fut en Hollande que cette question se posa, dès le commencement du XVIIe siècle, de la manière la plus pressante. Le côté le plus accentué du calvinisme, la prédestination des uns au salut et des autres à l’éternelle damnation, révolta nombre d’esprits, qui ne trouvaient plus dans la joie de se savoir soi-même l’objet de la grâce divine un contre-poids suffisant au sentiment horrible qu’engendrait la certitude corrélative de l’irrévocable perdition de tant d’autres. Ils pensaient qu’une pareille doctrine était inconciliable avec la justice et la bonté de Dieu. Tel fut le principal motif qui poussa un certain nombre de théologiens hollandais à s’écarter du calvinisme pur sous la direction du professeur de Leyde Arminius, mort en 1611, puis sous celle de son disciple et ami Episcopius. Tout en conservant autant que possible les expressions qui définissaient officiellement le dogme calviniste, ils tâchèrent d’y introduire des modifications qui laissassent place au libre arbitre et à la coopération de l’homme avec Dieu. Cela suffisait cependant pour que toute l’économie du système fût changée. Après de violens débats, auxquels les passions politiques mêlèrent leur venin (car le parti arminien était généralement celui des classes aristocratiques et libérales, tandis que le peuple identifiait aisément ses trois grandes amours : la doctrine calviniste, la maison d’Orange et la patrie libre), un synode général rassemblé à Dordrecht condamna formellement ces tentatives de réforme, et les disciples d’Arminius durent sortir de l’église. Grâce à l’esprit libéral des institutions et des gouvernans, leur impopularité n’empêcha pas les remonstrans, ainsi appelés d’une remonstrance qu’ils avaient adressée aux états antérieurement au synode, de se constituer quelques années après leur condamnation en communautés séparées. Ils conservèrent l’organisation et la plupart des doctrines réformées, mais en qualité de réforme entée sur la réforme, ils continuèrent à montrer un esprit plus libéral, plus indépendant de ce qu’on pouvait déjà nommer la tradition protestante.

Aujourd’hui les remonstrans, bien diminués en nombre, ne sont plus guère que cinq ou six mille âmes ; mais il serait très difficile de préciser ce qui les sépare maintenant des autres réformés, avec lesquels d’ailleurs ils entendent faire cause commune dans la marche