XVIe siècle, se disputant l’empire du Nouveau-Monde, que ni l’une ni l’autre ne devait garder. Les expéditions espagnoles avaient à traverser les croisières du Portugal avant d’aborder dans ces régions, qu’elles venaient soumettre et convertir, et la marine portugaise était alors maîtresse de l’Océan-Indien.
On sait de quelles rigueurs fut accompagnée la conquête de l’Amérique par les Espagnols. L’histoire a flétri les cruautés commises contre les Indiens. Colomb avait été poussé vers les profondeurs de l’Atlantique par un noble pressentiment de la science et par une inspiration de génie qui l’élevait au-dessus des passions et des instincts cupides. La gloire, chèrement payée, d’avoir découvert un monde nouveau lui suffisait. Après lui malheureusement, l’Amérique fut livrée aux entreprises des aventuriers et des avides chercheurs d’or, la conquête devint violente. Les moines furent impuissans à contenir les excès dont le souvenir est arrivé jusqu’à nous par la voix indignée de Las Casas ; eux-mêmes bientôt, se laissant emporter par la fougue de leur zèle, se présentèrent aux populations indiennes, la croix d’une main, l’épée de l’autre, et ne virent plus dans l’Amérique qu’un immense champ de bataille où la foi devait à tout prix écraser le paganisme. Le souffle de l’inquisition avait traversé la mer, et la force brutale était employée à la conversion des âmes comme à la conquête du sol. Il n’en fut pas de même aux Philippines. Les aventuriers n’avaient pas besoin d’aller si loin. À ceux qui ne voulaient que des richesses, le Mexique et le Pérou offraient d’abondantes récoltes. Pour affronter encore l’Océan et pour se lancer à travers les périls d’une navigation inconnue à la rencontre redoutée des escadres portugaises, il fallait un autre mobile que la passion de l’or : ce fut l’ardeur du marin qui entraîna Magellan, et ce fut l’ambition politique qui décida l’Espagne à chercher par-delà les mers de l’Inde de nouveaux royaumes. L’Amérique garda pour ainsi dire toutes les violences de la conquête. L’Asie fut abordée plus humainement, elle vit descendre sur ses rives des héros moins impitoyables et des prêtres moins fanatiques ; la domination européenne s’y montra, dès le premier jour, plus modérée, et la religion plus douce. À une telle distance de la mère-patrie, dans ce pays perdu et sous la menace continuelle du Portugais, l’Espagnol, que n’éblouissait plus la vue du précieux métal, comprit qu’il devait ménager les tribus indiennes, et que la mansuétude lui gagnerait plus facilement des sujets et des chrétiens. De là le caractère particulier de la domination espagnole aux Philippines, caractère qui s’est conservé depuis trois siècles et qui la distingue essentiellement des autres entreprises coloniales.
Pendant les premiers temps, l’archipel fut exposé aux attaques des pirates chinois et japonais. Fatigué de ces incursions, un gouverneur-général,