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a parcouru l’île de Luçon et plusieurs points de l’archipel. La description qu’il vient de publier ramène mes souvenirs vers ces belles contrées.

Relégué à l’extrémité de l’Orient, en dehors des grandes routes commerciales qui mettent cette partie de l’Asie en communication avec l’Europe, l’archipel des Philippines a été rarement exploré. Pendant trois siècles, la défiance politique et religieuse de l’Espagne en a éloigné les Européens ; un petit nombre seulement de négocians avaient accès dans le port de Manille, et l’on n’obtenait qu’avec beaucoup de peine, comme une grâce toute particulière, la permission de circuler dans les régions soumises de cette charmante île de Luçon, qui a été si bien nommée « la perle de l’Océanie. » Depuis quelques années, l’administration espagnole se montre plus hospitalière, et les moines ne redoutent plus les regards profanes. On peut aujourd’hui visiter les principaux points de l’archipel où flotte le drapeau de l’Espagne. Les îles de Luçon, de Zebu, de Panai, de Mindanao, sont ouvertes aux explorations de la science et à la curiosité des touristes. Si l’on en juge par quelques récits qu’elles ont inspirés[1], elles méritent d’être mieux connues. Elles n’étaient pas seulement les merveilleuses richesses de la nature tropicale : on y trouve aussi, dans la présence d’une nombreuse population indigène qui a conservé son caractère primitif et dans le système de la colonisation espagnole, un double sujet d’étude, se rattachant à toutes les grandes questions qui s’agitent dans l’extrême Orient.

Les îles Philippines furent découvertes en 1521 par Magellan, qui mourut la même année de blessures reçues dans un combat contre les indigènes de Zebu. Plusieurs expéditions partirent successivement des rives américaines de la Nouvelle-Espagne pour continuer l’œuvre de conquête commencée par le célèbre navigateur. En 1564, Legaspi fut le premier investi du titre de gouverneur-général, et, après avoir solidement établi la domination espagnole dans l’île de Zebu, il passa à Luçon et fonda Manille, qui ne tarda pas à devenir la capitale des Philippines et le siège du gouvernement. Tels furent les débuts de la puissance espagnole en Asie : débuts pénibles et glorieux, car à ce moment les Portugais tenaient la mer, et si Magellan tomba sous la massue des indigènes, ses successeurs eurent à lutter d’audace et de ruse contre les héritiers de Gama. C’était dans les eaux des Mariannes, des Philippines et des Moluques que se heurtaient les deux grandes nations maritimes du

  1. Notamment une étude sur Manille de M. Th. Aube (Revue des Deux Mondes du 1er mai 1848) et les souvenirs de M. Jurien de La Gravière sur un séjour aux Philippines (Revue du 15 juillet 1852). Citons encore, parmi diverses relations, celles de MM. Itier, Yvan, Haussmann.