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40 hectares de terres en friche pour l’obtenir aussitôt, si toutefois il s’engage à y exécuter un travail quelconque dans l’espace de deux années. Le plus souvent les colons se dispensent même de cette formalité, et s’établissent où ils le désirent sans demander de concession et sans prendre d’engagemens ; ils deviennent propriétaires par le droit de premier occupant. Cette facilité d’obtenir sans travail de vastes concessions pourrait avoir de très funestes résultats, en immobilisant pour de longues années des terrains favorables à la culture ; mais dans la plupart des vallées de la Sierra-Nevada, ce danger est beaucoup moins à craindre que dans une plaine, parce que le sol cultivable se compose de bassins fermés, de petites terrasses, de plateaux limités, formant autant de domaines distincts dont chacun suffirait amplement à une famille.

La flore de la Sierra-Nevada est d’une extrême richesse, et peut-être ne trouverait-on dans le monde entier que certaines parties de l’Inde et du Brésil où les plantes offrent une aussi grande variété. Les végétaux utiles se comptent par centaines. On y trouve entre autres le myroxylon ou palmier à cire, le merveilleux arbre à lait, ou galactodendron, des multitudes de plantes tinctoriales, les herbes médicinales de l’ancien et du Nouveau-Monde, la camomille et la salsepareille, la bourrache et l’ipécacuanha, la chicorée et le baume de Tolù. On ne songe point à chercher ces plantes à vertus curatives dans la Sierra-Nevada, et l’on remonte le cours du fleuve des Amazones, on traverse les montagnes et les solitudes de la province de Matogrosso, pour aller recueillir la salsepareille et l’ipécacuanha ! Par suite de la difficulté des voyages, ces remèdes valent dans les pharmacies d’Europe de 2 à 4,000 pour 100 de plus qu’au lieu de production.

Si nous en croyons le témoignage du savant botaniste Mutis, la Sierra-Nevada possède trois espèces de cinchonias. La découverte de cet arbre précieux date de la fin du siècle dernier. Depuis cette époque, les troubles politiques ont laissé retomber dans l’oubli la connaissance de ce fait important. Peut-être les arbres sont-ils peu nombreux ; mais alors qu’on en fasse des plantations et surtout qu’on suive un autre système que celui des Péruviens, qui abattent l’arbre pour le dépouiller de son écorce. On peut commencer à décortiquer partiellement les cinchonias dès qu’ils ont atteint l’âge de cinq ans, et en ayant soin de ne les dépouiller jamais que d’un côté, on peut les conserver aussi longtemps en vie que les arbres intacts.

Les plantes cultivées par les Aruaques sont en bien petit nombre ; ce sont la canne à sucre, le bananier, le hayo, la turma ou pomme de terre, l’arracacha, la malanga, la patate, les ciboules, l’agave, l’oranger et le citronnier. Chaque Indien a une petite bananerie, le