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DORLCOTE-MILL
SCENES DE LA VIE ANGLAISE[1]

Dans une plaine largement ouverte, la belle rivière de la Floss, courant plus à l’aise entre ses bords chargés de verdure, semble se hâter vers la mer, tandis que la marée amoureuse, remontant à sa rencontre, lui barre le passage par une sorte d’impétueuse étreinte. Le flot puissant ramène ainsi vers la petite ville appelée Saint-Ogg, de noirs bâtimens chargés des planches odorantes du sapin, de sacs aux flancs arrondis, pleins de graines oléagineuses, et de monceaux de charbons, noirs diamans qui étincellent au soleil.

Entre une colline basse et le bord de l’eau, la petite ville étale ses toits rouges aux pentes rapides, ses entrepôts aux pignons élargis, et sous les pâles rayons d’un soleil de février jette quelques doux reflets roses sur les ondes miroitantes. À droite, à gauche, s’étendent de gras pâturages, des champs bruns où le sillon récemment ouvert attend la semence prochaine, quelques autres où pointent déjà les tendres tiges du blé semé en automne. Par-delà les haies, on entrevoit la cime dorée des ruches de l’an dernier. Des arbres se dressent le long de ces haies, et les mâts des navires lointains, les voiles couleur de tan, se meuvent, dirait-on, parmi des massifs de frênes.

  1. The Mill on the Floss, by George Eliot, author of Scenes of clerical Life and Adam Bede : three vols, William Blackwood, Edimurgh and London 1860. — La touchante histoire publiée sous ce titre par l’auteur d’Adam Bede nous a paru comporter le procédé particulier d’analyse critique que nous avons appliqué dans la Revue à quelques récits anglais, tels que Thorney-Hall (livraisons du 15 mai et du 1er juin 1856), et Georgy Sandon (livraisons du 15 juillet et du 1er août 1859).