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côté droit s’étend le cordon du littoral de la Mer-Caspienne, sur l’ancienne route commerciale de Pierre-le-Grand. La base du quadrilatère est la ligne lesghienne, qui, en contournant les sinuosités de l’Alazan, affluent de la Koura, au sud du Daghestan, protège contre les invasions et les coups de main des Lesghis les provinces transcaucasiennes du sud-est, la Kakhéthie, le Karabagh et le Schirvan. Cette ligne, l’une des plus fortes, n’a pas toujours suffi contre les montagnards hardis et pillards du voisinage ; quoique par la soumission du flanc gauche elle n’ait plus qu’une signification stratégique secondaire et soit devenue un cordon de défense intérieure, cependant elle ne cessera jamais d’être nécessaire pour arrêter des agressions partielles. On se rappelle, comment, en 1854, les bandes de Schamyl, conduites par son fils aîné Kazy-Mahoma, franchissant cette ligne sans obstacle, allèrent saccager le château de Tsinandal, dans la Kakhéthie, et enlever les princesses Orbélian et Tchavtchavadsé à une distance à peine de cinquante ou cinquante-cinq verstes, c’est-à-dire de treize ou quatorze lieues, de Tiflis. D’après un ordre du jour du commandant en chef du 7 (19) août 1859, la limite entre la contrée riveraine de la Mer-Caspienne et la ligne lesghienne est tracée par la chaîne neigeuse du nord ou du Boghos, et se prolonge jusqu’au versant septentrional de cette chaîne et jusqu’à la rive droite d’un fleuve de l’Andie, le Koïssou.

Le Caucase oriental ayant été le centre du muridisme et le foyer principal de la résistance, c’est là qu’ont dû se porter d’abord tous les efforts de la Russie, et que nous retrouvons son système de lignes le plus largement développé et le plus solidement établi. Dans le Caucase occidental, où le christianisme, jadis importé par les missionnaires byzantins, n’est point encore entièrement effacé des souvenirs et des affections populaires, et où l’islamisme n’a rallié que de tièdes sectateurs, l’élément hostile a toujours été moins homogène et moins réfractaire. Ici, pour mobile contre l’ennemi, un seul sentiment, l’attrait de l’indépendance ; là, une double passion, l’amour de la liberté et le fanatisme religieux. La différence dans le caractère et les institutions des montagnards du flanc gauche et de ceux du flanc droit, indépendamment des considérations stratégiques, indiquait le plan d’attaque et la nécessité de réduire d’abord le flanc gauche. Il était facile de calculer que la soumission du premier aurait pour conséquence prochaine celle du second. En effet, depuis que Schamyl est abattu, des symptômes non équivoques ont annoncé que cette soumission ne tardera point à s’accomplir.

La configuration du flanc droit, où le Caucase ne constitue qu’une simple chaîne traversée par une multitude de rivières, au lieu de présenter, comme au Daghestan, un immense dédale de montagnes