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particuliers, on a été conduit aux mêmes conséquences. On continuait à traiter en taillis les forêts qui s’y trouvaient déjà, et, méconnaissant le principe même sur lequel repose la propriété de l’état, on allait jusqu’à transformer en taillis des futaies existantes. On réalisait, il est vrai, par cette opération, un capital plus ou moins considérable, mais on diminuait en même temps la production future, privant ainsi les générations à venir d’un bien dont on n’avait pas le droit de disposer. Tout montre cependant qu’on commence à mieux comprendre le véritable intérêt de la chose publique. D’un côté, à la suite d’un rapport de M. le ministre des finances, le corps législatif est en ce moment saisi d’un projet de loi sur le reboisement des montagnes[1] ; de l’autre, grâce aux efforts de MM. Lorentz et Parade, la supériorité de la futaie n’est plus contestée. L’on se rend mieux compte des attributions et des devoirs de l’état, et l’on ne croit plus que la culture des forêts confiées à sa gestion est d’autant plus parfaite qu’elle se rapproche davantage du système adopté par les particuliers[2].

Au lieu de convertir des futaies en taillis, c’est l’opération inverse qu’on pratique aujourd’hui, et cette tendance, il faut l’espérer, ne s’arrêtera que lorsque toutes les forêts de l’état seront transformées en futaies. Les communes, de leur côté, devraient bien suivre cet exemple, elles y ont tout intérêt ; mais l’exiguïté des ressources de la plupart d’entre elles leur permet difficilement de supporter la réduction momentanée de revenu qu’impose cette substitution de traitement. Il serait possible cependant d’y procéder graduellement, et sans trop léser la génération présente au profit de l’avenir ; il suffirait de consacrer d’abord à la futaie le quart de chaque forêt, qui, suivant le vœu du législateur, est destiné à former une réserve. Une fois cette portion convertie, on procéderait de même sur un second quart, jusqu’à la transformation complète et absolue de toute la forêt. On trouverait à cela un grand avantage, parce que non-seulement on accroîtrait le volume annuellement produit, mais l’augmentation porterait surtout sur les bois de

  1. Voyez la Revue du 1er février 1859 sur le Reboisement et le Régime des eaux.
  2. Au 1er janvier 1858, la contenance totale du domaine forestier de l’état était distribuée ainsi qu’il suit :
    hectares
    1° Taillis sous futaies 493,874.
    2° Futaies feuillues 193,091
    3° Futaies résineuses 152,646
    4° Futaies mélangées 90,518
    5° Taillis en cours de conversion en futaies 106,201
    6° Vides non compris dans les aménagemens 40,716
    Total 1,077,046


    Rapport du directeur-général des forêts au ministre des finances du 20 février 1860.