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I

Il existe, on le sait, pour les forêts deux systèmes d’exploitation, le taillis et la futaie. Le premier, basé sur la propriété qu’ont les souches de bois feuillus de produire des rejets, ne peut s’appliquer qu’à des arbres peu âgés ; il ne donne par conséquent que des bois de faibles dimensions et qui ne sont guère propres qu’au chauffage. La durée des révolutions[1] dépasse rarement trente ans, et resté le plus souvent bien au-dessous de ce terme. La futaie au contraire, destinée à fournir des bois de service et d’industrie, conduit à laisser les arbres sur pied jusqu’à un âge fort avancé ; elle correspond à un système de culture beaucoup plus perfectionné que le taillis, et donne des produits à la fois plus considérables et plus précieux[2]. Cette supériorité s’explique par la marche même de la végétation. Ce qui constitue le bois, ce sont les couches ligneuses successivement accumulées les unes sur les autres. Chaque année il se forme dans chaque arbre, entre l’écorce et le tronc, une couche nouvelle qui enveloppe complètement le végétal et le recouvre en quelque sorte, depuis l’extrémité des racines jusqu’au sommet des branches les plus faibles, d’un vêtement nouveau. C’est ce travail continu de la végétation qui, ajoutant d’année en année une nouvelle quantité de matière ligneuse au bois déjà existant, transforme après deux siècles le jeune plant qui vient de naître en un arbre majestueux qui répand autour de lui son ombrage. Ces couches annuelles sont faciles à distinguer les unes des autres, au moins dans la plupart des essences, et le nombre qu’on peut en compter fait naturellement connaître l’âge de l’arbre.

Cette formation toutefois n’est pas la même pour toutes les essences. Les unes, comme le pin, le peuplier, le saule, le tilleul et la plupart des bois blancs, ont une croissance très rapide dans leur jeunesse, mais qui se ralentit promptement. Les autres, comme le chêne, le hêtre, le charme, le sapin, croissent très lentement d’abord et ne commencent à se développer avec quelque vigueur qu’à partir d’un certain âge ; mais, tandis que les premières dépérissent de bonne heure, la végétation de ces dernières se soutient pendant fort longtemps. S’il y a donc avantage à soumettre les unes à de courtes révolutions, souvent même à les exploiter en taillis, il ne saurait en être de même des autres, du moins au point de vue de la production en matière, parce qu’en opérant ainsi on les ramènerait

  1. La révolution est le nombre d’années fixé pour l’exploitation d’une forêt. C’est donc elle qui détermine l’âge auquel les arbres seront abattus.
  2. Voyez à ce sujet la Revue du 15 janvier 1860, la Sylviculture en France et en Allemagne.