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fait, semble-t-il, un plan pour Saint-Pierre, qui avait eu l’agrément du pontife. Malgré ses relations avec Bramante, ignorait-il le beau projet de cet architecte qui fut repris par Michel-Ange ? ou bien faut-il penser que son goût élégant le porta à préférer la croix latine à la croix grecque, plus noble, plus sévère, plus convenable pour un édifice qui devait être surmonté d’une coupole ? Il est probable qu’il faut attribuer cette erreur à quelque fantaisie de Léon X plutôt qu’au libre choix de Raphaël, car il ne paraît guère vraisemblable qu’il se soit trompé à ce point, ni qu’il ait ignoré le projet de son protecteur et de son ami. Il sentait du reste la gravité de la tâche qu’il avait acceptée, et il écrivait à Balthazar Castiglione : « Notre saint-père m’a mis un grand fardeau sur les épaules en me chargeant de la construction de Saint-Pierre. J’espère ne pas y succomber. Ce qui me rassure, c’est que le modèle que j’ai fait plaît à sa sainteté et a le suffrage de beaucoup d’habiles gens ; mais je porte mes vues plus haut. Je voudrais trouver les belles formes des édifices antiques. Mon vol sera-t-il celui d’Icare ? Vitruve me donne sans doute de grandes lumières, mais pas autant qu’il m’en faudrait. » A la fin de cette même année 1515, il suivit le pape à Florence et prit part, avec les deux Sansovino, Antonio di San-Gallo et peut-être Léonard de Vinci, au concours pour la façade de Saint-Laurent, dans lequel Michel-Ange demeura vainqueur. C’est probablement pendant ce séjour qu’il donna les plans des palais Ugoccioni sur la place du Grand-Duc, et Pandolphini dans la rue San-Gallo, qui lui sont attribués. À Rome, il construisit en tout ou en partie la villa Madama, le palais Stoppani près de Sant’ Andréa della Valle, l’église de la Navicella sur le mont Cœlius, et le gracieux monument qui fait face à la Farnésine et soutient la comparaison avec l’un des chefs-d’œuvre de Balthazar Peruzzi. C’est encore lui qui donna les plans de la chapelle Chigi à Sainte-Marie-du-Peuple, qui fit le modèle de la statue de Jonas qui en décore l’une des niches. S’il fallait en croire une tradition, l’exécution même de cette figure lui appartiendrait, et ce charmant ouvrage a tant de grâce, une beauté si suave, tant de morbidesse, que cette supposition n’a rien d’invraisemblable[1].

Nommé en 1516 surintendant des édifices de Rome, il porta dans ces nouvelles fonctions une activité, une ardeur, une intelligence, dont témoignent les fragmens du beau rapport à Léon X trouvé

  1. Raphaël a certainement fait de la sculpture, car on lit dans une lettre de Castiglione à son intendant : « Je désire savoir si Jules Romain a encore le jeune garçon en marbre de la main de Raphaël, et le dernier prix auquel il me le laisserait. » C’est peut-être l’enfant avec un dauphin appartenant à sir Henry Bruce, et qui a été exposé à Manchester. Passavant, I, 206.