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indignation et s’entourer d’une auréole populaire et patriotique. Du reste, M, de Borries a expliqué sa pensée. Il a dit qu’il n’avait voulu présenter une alliance avec l’étranger que comme une extrémité à laquelle on ne pourrait avoir recours que si la politique de l’association nationale allumait, comme elle y tend suivant lui, une guerre civile en Allemagne. Malgré les protestations de ce ministre inconsidéré, le vacarme qu’il a causé durera longtemps encore au sein de la confédération.

Nous nous ferions un scrupule, dans les circonstances actuelles, de servir d’écho aux accusations envenimées auxquelles peut donner lieu le gouvernement autrichien. Nous préférerions au contraire encourager par des éloges les tentatives faibles encore, mais marquées pourtant, de ce gouvernement pour améliorer son administration et le sort politique des diverses nationalités de l’empire qui ont eu si longtemps à se plaindre de la violation de leurs droits. La nomination du général Benedek au gouvernement de la Hongrie et la lettre où l’empereur annonçait presque un retour aux anciennes institutions hongroises ont dû tant coûter à l’orgueil de François-Joseph, qu’il faut lui tenir compte, dans une certaine mesure, de l’effort qu’il a fait sur lui-même pour entrer dans cette voie de concessions. L’empereur François-Joseph a également témoigné par divers actes, par sa patente aux protestans de Hongrie, par l’extension des droits civils qu’il a accordés aux israélites, par les garanties religieuses données aux protestans de l’armée autrichienne, qu’il voulait revenir sur la politique intolérante du concordat et se montrer plus respectueux envers la liberté de conscience. Ces efforts méritent d’autant plus d’être soutenus par l’approbation des esprits éclairés en Europe, qu’ils exposent l’empereur d’Autriche à une opposition inattendue, celle du clergé catholique, pour lequel il a fait tant de sacrifices. Le clergé catholique ne peut supporter que la puissance qu’il tient du concordat, et qui sur bien des points égale son autorité à celle de l’empereur, soit affaiblie ou menacée. Malgré ses énormes richesses, il n’a pas voulu contribuer au dernier emprunt, qui était comme un héroïque effort du gouvernement autrichien pour relever ses finances. Malheureusement, dans sa résistance aux tendances libérales du gouvernement en matière religieuse, il a recours à des moyens plus odieux. Le clergé autrichien ne craint pas de s’adresser aux préjugés les plus bas et aux instincts les plus vils du fanatisme populaire, il prêche contre les Juifs une sorte de croisade renouvelée des plus mauvais jours du moyen âge. Des mandemens contre les israélites ont été lancés par un grand nombre de prélats autrichiens. On cite surtout un mandement de l’archevêque de Lemberg, primat de Galicie, qui prescrit à son clergé de préserver les fidèles de tout contact avec les israélites, qui veut que les rapports cessent entre les uns et les autres, qu’un catholique n’habite pas une maison occupée par un Juif, ne prenne pas de service chez le Juif, ou ne lui engage pas son travail. Ces excitations barbares n’ont pas tardé à produire leurs fruits : à Trebitch, en Galicie, la populace s’est ameutée contre les Juifs et a démoli leurs maisons. Dans les faubourgs de