Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/504

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Angleterre pourraient lui fournir d’autres raisons qui ne seraient pas moins concluantes en faveur de l’attitude que lui conseille sa situation présente.

Nous ne pouvons omettre, parmi les difficultés que le mouvement intérieur de l’Italie présente dans sa nouvelle phase, la plus grave de toutes, la question romaine. Nous avons toujours conseillé aux Italiens de prendre garde d’aller heurter violemment l’écueil de Rome, car le choc contre la papauté dénaturerait leur cause, et leur susciterait artificiellement et gratuitement de nombreux et redoutables ennemis. Nous avons dû espérer surtout, lorsque nous avons vu les catholiques libéraux reprendre à Rome un ascendant marqué, que le pape de son côté, recouvrant la dignité de son initiative et mettant la main à des réformes indispensables, rapprocherait son pouvoir temporel des conditions indiquées par les circonstances présentes. Nous ne savons si notre espérance sera déçue, et si la cour de Rome se laissera une fois de plus surprendre par les événemens. Au pis aller, si de nouvelles secousses compromettaient le pouvoir temporel, le concours de la France, nous aimons à le croire, ne manquerait point au souverain pontife. La France aurait, dans ce cas, une difficile et délicate transaction à opérer entre la papauté et l’Italie ; mais qui ne voit qu’elle apporterait dans l’accomplissement de cette tâche une autorité d’autant plus grande qu’elle n’aurait opposé aucune malveillante résistance aux efforts légitimes de l’Italie ? Le sentiment que nous avons des devoirs que peut nous imposer le sort temporel de la papauté nous fait regretter que la question romaine ne soit pas toujours abordée en France avec de prudens ménagemens par les hommes auxquels leur âge et leur position commandent la gravité. Nous avons éprouvé ce regret en feuilletant une compilation publiée de nouveau par M. Dupin sous le titre de Libertés de l’église gallicane, manuel de droit ecclésiastique français. Cet entassement singulier de pièces hétérogènes échappe, comme tous les écrits du même auteur, à la critique littéraire. Comment se fait-il qu’un orateur qui a conservé tant de verve (il nous l’a montré récemment) dans son active vieillesse soit un écrivain si nu, si nul et si plat ? Mais surtout comment ce vétéran politique a-t-il si peu le sentiment de l’opportunité que d’autres appelleraient le bon goût ? Auriez-vous deviné sans M. Dupin que les libertés qui sont aujourd’hui le plus en péril et en souffrance parmi nous sont les libertés de l’église gallicane ? « On a tant abusé de ces libertés, écrivait à M. Dupin l’évêque d’Hermopolis en 1824, pour tourmenter, persécuter et détruire, qu’il n’est pas étonnant que quelques esprits en soient effarouchés. » M. Dupin a imprimé dans son pêle-mêle de pièces cette lettre de M. Frayssinous, et il n’a pas pris garde que nous sommes justement à une époque où les libertés de l’église gallicane peuvent aisément devenir un instrument de persécution et d’oppression, et où, pour des millions de catholiques, le pouvoir spirituel et temporel du pape peut devenir la garantie de la liberté de conscience.

« Tout le monde vous doit de la reconnaissance, écrivait aussi en 1824 M. le comte Daru à M. Dupin, car, en protégeant les intérêts de vos cliens, vous