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assurément pour inspirer plus d’intérêt que celle de Garibaldi. Comment prendre le parti d’un gouvernement qui maintient en Sicile un chef de police qui vient de faire arrêter tous les fils de famille de Palerme comme suspects, et qui au même moment a fait nommer son propre fils, âgé de quatre ans, caissier-général de la douane ? Comment s’intéresser à ce despotisme qui a l’art de marier le grotesque à l’odieux ? Notre sympathie pour ce gouvernement ne va pas au-delà de l’expression de ce vœu : puisse l’oncle le plus capable et le plus estimé du roi, le comte d’Aquila, prendre à temps la résolution d’affranchir son jeune neveu de l’influence de la reine-douairière et de la coterie rétrograde imbue de la politique de l’ancien roi qui a tout compromis par ses conseils ! Une révolution de palais, qui ne renverserait qu’une camarilla, pourrait épargner au royaume des Deux-Siciles la guerre civile et de grands malheurs ; l’établissement d’un gouvernement libéral et raisonnable au midi de la péninsule sauverait peut-être les intérêts de l’ordre en Italie : ce serait le seul moyen de prévenir ou un antagonisme déplorable entre les deux royaumes de la péninsule, ou l’orageuse et périlleuse unité de l’Italie.

Mais si nous n’avons aucun goût à juger l’entreprise de Garibaldi au point de vue personnel de l’audacieux partisan ou au point de vue du gouvernement napolitain, il nous est impossible de n’en pas calculer les conséquences pour la politique piémontaise. C’est le côté grave de la question. Nous dirons tout de suite notre pensée : le Piémont est, suivant nous, engagé par l’entreprise de Garibaldi, quelle qu’en soit l’issue. La chose va de soi, si le coup de main de Garibaldi réussit : l’insurrection sicilienne a pour drapeau l’unité italienne et pour cri de ralliement le nom de Victor-Emmanuel, qui vient de conquérir jusqu’à Mazzini. On ne désavoue pas ses partisans vainqueurs. La compromission du gouvernement sarde ne nous semble pas moins inévitable, si l’expédition de Garibaldi est écrasée. Le gouvernement sarde a laissé préparer cette expédition, il n’en a pas contrarié le départ. Les motifs de la tolérance du cabinet sarde semblent avoir été pris en considération par la France, par la Russie et par l’Angleterre. M. de Cavour a allégué avec raison le sentiment populaire, chaudement favorable à la tentative de Garibaldi. Il se croit affaibli vis-à-vis du parti avancé par la cession de la Savoie et de Nice, qu’il a été obligé de faire à la France ; sa grande affaire est d’obtenir pour cette cession la sanction du parlement sarde. Nous ne pensons pas, d’après le résultat connu des réélections, que la minorité qui se prononcera contre le traité de cession dépasse soixante voix ; mais dans la position où se trouve M. de Cavour, c’est une coquetterie bien naturelle que de se donner pour plus malade qu’on ne l’est en réalité. En tout cas, ce que M. de Cavour peut soutenir sans contestation, c’est qu’il n’a point encore de majorité faite, qu’il ne connaît point sa majorité, et que dans cette incertitude, au milieu d’un pays qui est encore dans toute l’effervescence d’une révolution triomphante, il ne pouvait, sans