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La lutte ne tarda pas à se dessiner, d’abord au sujet de la détention prolongée d’un certain nombre de personnes fort légèrement accusées d’avoir trempé dans quelques troubles au Callao et obstinément retenues par Castilla, malgré les réclamations des chambres, puis à l’occasion de cette aventure du 2 novembre 1857 dans laquelle avait péri la convention nationale. Le gouvernement, en déclinant la responsabilité de ce coup d’état, en avait profité, comme on l’a vu ; puis on n’avait plus parlé de rien. L’affaire du 2 novembre était tombée dans l’oubli, lorsque le président, à l’ouverture de la nouvelle session, eut l’étrange idée d’y revenir en rappelant la nécessité de punir les coupables et en invitant les chambres à prendre des mesures en conséquence. Le général Castilla était sans doute fort peu sincère en parlant ainsi ; il suggérait un système d’enquête rétrospective et de sévérité dont il ne se souciait pas du tout ; il l’avait prouvé en s’abstenant lui-même de toute mesure à l’égard du colonel Arguedas, le principal auteur du coup d’état. Les chambres ne prirent pas moins au sérieux cette insinuation assez perfide ; elles évoquèrent cette irritante affaire, et après délibération elles condamnèrent le colonel Arguedas à être destitué de son emploi et privé de ses droits politiques. Cette sentence fut communiquée au pouvoir exécutif pour avoir son effet. Ce n’était point l’affaire du gouvernement, qui renvoya aussitôt cette délibération aux chambres en leur faisant observer qu’elles avaient outre-passé leurs pouvoirs et usurpé les droits de l’autorité judiciaire, seule compétente pour rendre un arrêt de condamnation. Les chambres, une fois engagées, persistèrent à demander la promulgation de leur loi, et le président, non moins obstiné, opposa un refus péremptoire dans une note d’un ton impérieux et violent. C’était le 8 avril 1859. Le congrès se mit en permanence et appela devant lui le cabinet ; les ministres feignirent d’abord de ne point entendre : les uns se dirent malades, les autres retenus par les affaires de leur département. Puis ils comparurent, déclarant que le président, pour sa part, ne croyait pas devoir promulguer la loi, mais que cette loi, une fois promulguée, recevrait son exécution. Le congrès fut trop heureux de se tirer d’affaire en prenant acte de cette espèce d’engagement. Le président de l’assemblée promulgua la sentence prononcée, et l’on crut tout fini.

Il n’en était rien ; l’astucieux président ne se rendait pas si aisément. Quelques jours se passèrent sans qu’aucune mesure fût prise pour l’exécution de la sentence législative. Le congrès alors, revenant à la charge, adressa une nouvelle note au gouvernement ; le ministre de la guerre, le général San-Roman, répondit sur un ton à la fois délibéré et ambigu que, la loi ayant suivi le cours tracé par la