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supériorité relative, due à ses défauts peut-être autant qu’à ses mérites.

Ce n’est pas la première fois que le général Castilla est président du Pérou ; il l’a été autrefois ; il l’est redevenu grâce à une révolution qui renversait le général Echenique ; mais ici, dans ce retour de fortune, Castilla se trouvait d’une part avoir à combattre une insurrection redoutable organisée et dirigée contre lui par le général Vivanco, de l’autre avoir à se démener avec une convention nationale sortie comme lui de la révolution dernière, et occupée à élaborer une constitution qui semblait un moment destinée à annihiler le pouvoir exécutif en le dépouillant de toutes ses prérogatives. L’insurrection de Vivanco fut comprimée. Quant à la convention nationale, qui prolongeait son existence outre mesure, le président s’en trouva débarrassé d’une singulière façon. Cette pauvre assemblée, atteinte de déconsidération, finit, le 2 novembre 1857, des suites d’un coup d’état exécuté par un officier subalterne, qui la somma tout simplement de se dissoudre, ce qu’elle fit aussitôt. Castilla, occupé alors devant Arequipa, et son cabinet, qui était à Lima, désavouèrent, il s’entend, cet étrange serviteur ; ils n’acceptèrent pas moins l’acte du 2 novembre comme un fait accompli, et, partant de là, — la défaite de l’insurrection de Vivanco une fois assurée, — ils convoquèrent un nouveau congrès, en lui assignant de leur propre autorité la mission de réformer la constitution votée par la convention nationale, et morte avec l’assemblée qui l’avait décrétée. Castilla fut définitivement élu président par le suffrage populaire au mois d’août 1858, et le congrès nouveau se réunit à Lima trois mois après.

Le fait saillant de cette situation, c’est que, sous une forme ou sous l’autre, le président exerçait une véritable dictature, disposée peut-être à ne pas trop se faire sentir si on ne la contrariait pas, mais qui en venait facilement à toutes les extrémités dès qu’on lui résistait. Or, dans cet état de choses, quels allaient être les rapports entre le nouveau congrès et le chef du pouvoir exécutif, qui n’avait convoqué l’assemblée que pour réformer la constitution ? Dès le premier moment, des symptômes de mésintelligence se manifestèrent. Au lieu de s’occuper à réformer la constitution, les députés observaient, surveillaient le président, discutaient ses actes, et Castilla, qui se disposait dès lors à agir contre l’Equateur, qui se faisait au même moment une querelle avec le représentant de la France, qui en un mot portait son humeur despotique dans les affaires extérieures comme dans les affaires intérieures, Castilla supportait impatiemment ces contradictions. De là des incidens qui agitèrent cette session jusqu’à ce que ce congrès disparût à son tour.