Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/467

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvait plus compter sur l’obéissance des troupes. Ce n’est pas tout : à la suite de son départ de Quito, la révolution avait éclaté de nouveau. Le gouvernement provisoire du 1er mai reparut. Ainsi Roblès ne pouvait plus compter sur l’armée, il laissait derrière lui la révolution à Quito, et devant lui à Guayaquil il trouvait la défection. Il n’avait plus qu’à abdiquer ; son rôle était fini, et il alla attendre à Punta-Española le passage du paquebot de Panama pour se rendre au Chili, Quelques jours après, Urbina fut réduit à la même extrémité, et se vit forcé de chercher sa sûreté sur un bâtiment français.

Où était cependant le gouvernement de l’Equateur ? Il y en avait un sans doute à Quito ; mais que se passait-il à Guayaquil ? Que faisait Franco et que devenait la convention du 21 août ? Mariategui avait bien voulu se servir de Franco pour renverser Roblès, mais non pas pour l’élever lui-même, tandis que Franco entendait faire tourner cette révolution à son profit, et effectivement il se déclarait chef militaire de toute la province. Quelques jours après, le 17 septembre, il convoquait les citoyens pour élire un chef suprême. Ce qu’il y eut de curieux dans cette élection, c’est que Franco ne réunit que 161 voix, et que Garcia Moreno, l’un des principaux personnages du gouvernement de Quito, obtint 160 suffrages. Malgré ce qu’il y avait d’équivoque dans ce résultat, qui donnait une médiocre idée de la popularité de Franco, celui-ci ne se proclama pas moins. Il y eut donc à la fin de septembre 1859 deux gouvernemens au moins dans l’Equateur : l’un établi à Quito et reconnu dans les provinces de Chimborazo, Pichincha, Imbabura, — l’autre à Guayaquil, et retenant dans sa sphère les provinces de Manabi, de Cuença. Avec ces forces divisées, l’Equateur avait à faire face aux hostilités persistantes du Pérou.

À ce moment, on apprit à Guayaquil que Castilla allait arriver lui-même pour en finir. Le président du Pérou ne paraissait plus se contenter de la chute de Roblès : il voulait imposer et dicter la paix à l’Equateur, quel que fût le gouvernement de ce pays. Si le patriotisme avait eu voix au conseil, assurément ces deux pouvoirs rivaux établis à Quito et à Guayaquil se seraient mis d’accord pour faire face à l’ennemi commun. Cela était d’autant plus simple que Garcia Moreno, qui venait de faire le voyage de Lima pour sonder Castilla, en était reparti fort désabusé. On essaya en effet de se rapprocher : Garcia Moreno eut une entrevue avec Franco ; mais les défiances furent plus fortes que tout : les deux factions équatoriennes en étaient au même point de mésintelligence.

Que venait faire Castilla avec une force de 6,000 hommes ? Il parut tout d’abord se disposer à débarquer militairement, puis il suspendit ses préparatifs d’attaque, et pendant ce temps il suivait une