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pas dans la confusion. On peut s’étonner quelquefois de la durée de ces guerres civiles. Le fait n’est pas absolument surprenant. D’abord toutes ces insurrections trouvent toujours des soldats, mais il arrive souvent qu’elles n’ont ni armes ni munitions à leur service, et il s’ensuit, qui elles sont d’habitude moins sanglantes, qu’elles ne le paraissent. Et puis, rien ne presse tous ces chefs d’arriver à un dénoûment ; la guerre civile leur donne ce qu’un état régulier ne leur donnerait pas. Le pays seul souffre et reste paralysé dans son développement moral et matériel.

On ne peut parler qu’à peine de la Nouvelle-Grenade, tout occupée depuis quelque temps à se transformer en république fédérative, et où le régime fédéral, n’a paru être jusqu’ici que la décentralisation du désordre, le déplacement des conflits intérieurs transportés du centre du pays dans une multitude de foyers locaux. Il y a peu d’années encore, la lutte était engagée entre le radicalisme démocratique le plus exalté et les tendances d’une politique plus conservatrice ; aujourd’hui cette lutte, après avoir produit tout ce qu’elle pouvait produire, l’anarchie et la dictature, s’est compliquée d’un nouvel élément, la passion du fédéralisme. En présence du pouvoir central désarmé et traité en ennemi, les états nouveaux se sont sentis pris d’une émulation singulière d’indépendance locale. Dans le sud, le général Mosquera, qui a été autrefois président de la Nouvelle-Grenade et qui est maintenant gouverneur du Cauca, a semblé viser à se créer un grand fief, — sans suzerain bien entendu. Au nord, dans l’état de Bolivar, une révolution a éclaté, s’est étendue aux contrées voisines, et a menacé d’enflammer tout le pays. Qu’ont fait le président et le congrès fédéral ? Ils n’ont rien fait et ne pouvaient rien faire, n’ayant ni armée, ni finances, ni autorité d’aucune sorte. Le chef de la confédération néo-grenadine, M. Mariano Ospina, homme d’ailleurs d’une réelle portée d’esprit, semble à peu près réduit au rôle de président philosophe, observant ce qui se passe autour de lui comme une bizarre expérience, racontant dans son dernier message les révolutions accomplies déjà et celles qu’on lui promet.

Qu’est-ce que l’Equateur maintenant ? C’est un état relativement petit en Amérique et qui serait, grand en Europe, qui réunirait tous les élémens de prospérité, si depuis quelque dix ans il n’était livré à cette domination, mélange d’autocratie militaire et de prétentions démocratiques, dont on a vu déjà quelques personnifications. Deux hommes ont représenté ce régime, le général Urbina et M. Roblès, habituellement secondés par un autre personnage, le général Franco, qui est un ancien chef de la campagne, se ressentant fort de sa vie d’autrefois, fréquentant volontiers les mulâtres et les sambos. Urbina a été l’inaugurateur du système : c’était un de ces militaires remuans