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Ce fut une révolution très bizarre et tout à fait improvisée. Le 14 août, à cinq heures du matin, le président Mora recevait la visite inopinée de quelques individus dont deux officiers, accourus, disaient-ils, pour l’informer qu’une mutinerie venait d’éclater dans une caserne de la ville, et se prétendant envoyés par le colonel Salazar, pour lui demander de se rendre aussitôt sur le lieu de la révolte. Bien qu’un peu surpris, M. Mora, qui était couché, se disposait à se rendre à cet appel ; il ne se hâtait pas trop cependant, comme s’il eût eu quelque méfiance, lorsque les officiers qui étaient venus lui procurer ce fâcheux réveil s’emparèrent de sa personne, et, lui laissant à peine le temps de s’habiller, le traînèrent à la caserne. Là, il se trouvait réellement prisonnier, victime contrainte d’un guet-apens. On l’obligea d’abord à écrire aux commandans militaires des autres villes et aux principales autorités pour leur défendre de s’opposer au mouvement qui était en cours d’exécution, car ces prudens révolutionnaires ne voulaient pas l’effusion du sang ; puis, quelques heures après, le président, son frère Jose-Joaquin Mora, général en chef de l’armée, et le général Jose-Maria Canas, ministre de la guerre et des finances, étaient conduits sous bonne escorte à Punta-Arenas pour être embarqués. Pendant ce temps, la population de San-Jose avait été appelée sous les armes par un coup de canon, signal habituel dans les circonstances graves, et le peuple de Costa-Rica s’était trouvé, sans s’en douter, concourir à une révolution dont il n’avait pas le secret. Qui profitait de ce mouvement ? C’était un médecin, M. Jose-Maria Montealegre, qui se faisait nommer ou se nommait immédiatement président provisoire, et prononçait une sentence de bannissement contre M. Mora, son frère Jose-Joaquin, contre le général Canas et un juge, M. Arguello. Il est vrai qu’on épargnait les propriétés des proscrits, qui n’étaient pas confisquées.

Les événemens s’étaient tellement précipités que M. Mora, d’ailleurs sévèrement gardé, n’avait pu opposer aucune résistance. Une fois mis à bord du Guatemala, il ne put que protester, se fondant sur la violence qui lui avait été faite, sur le caractère odieux d’une sédition imposée au peuple lui-même. M. Mora eut beau protester, les révolutionnaires de San-Jose n’avaient pas moins atteint leur but, et tandis que l’ancien président se rendait à Guatemala et au Salvador, puis de là à Panama et à New-York, les auteurs du mouvement du 14 août restaient maîtres du pouvoir. Ce qui tendrait à prouver que l’opposition faite par M. Mora aux négociations britanniques dans l’Amérique centrale a bien pu être exploitée contre lui, c’est que deux Anglais, M. Joy, fixé à San-Jose, et M. Allpress figuraient au premier moment dans cette échauffourée. Ce qui indiquerait