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était du nombre. De là quelques difficultés entre le Honduras et Salvador. Barrios prétendait exiger que le président du Honduras, le général Guardiola, prît des mesures à l’égard des réfugiés, et Guardiola se montrait peu disposé à souscrire à ces exigences. Ces nuages n’ont été que passagers, grâce à l’entremise de Guatemala. Les réfugiés n’ont pu d’ailleurs tenter rien de sérieux, et le général Barrios a réussi, comme il le désirait, à se faire élire pour six ans président de la république de Salvador, après quoi il se tiendra sans doute tranquille. Cette élection date du mois de janvier 1860.

On vient de voir comment se fait un président dans l’Amérique centrale. On va voir comment un autre président tombe sans le savoir, en quelques heures, par la plus expéditive des révolutions, et cette fois c’est à Costa-Rica que la scène se passe, dans une république qui avait pu être considérée comme un phénomène par le calme invariable dans lequel elle vivait. Costa-Rica ne se trouvait point cependant dans des conditions particulières d’agitation. On n’aperçoit même pas la trace de partis véritables dans ce petit pays : le président, M. Juan-Rafael Mora, homme de quelque capacité et de quelque énergie, qui semblait universellement accepté, s’était fait réélire, sans nul effort, le 8 mai 1859 ; mais, à défaut de causes bien profondes, quelques faits peuvent mettre sur la voie de cette péripétie imprévue. D’abord, à la fin de 1858, il y avait eu un conflit très vif entre le président, M. Mora, et l’évêque de San-José, Mgr Llorente. Pour quel motif ? Parce que le président avait établi sur les propriétés du clergé un impôt au profit de l’hôpital et du lazaret. L’évêque de San-Jose ordonnait aussitôt des prières pour obtenir du ciel les lumières nécessaires afin de défendre les droits méconnus de l’église, à quoi M. Mora répondait en faisant rendre par le congrès un décret d’expulsion contre l’évêque Llorente, qui était effectivement expédié à Punta-Arenas. Il dut en résulter une sourde hostilité dans le clergé. De plus, on sait que des entreprises rivales se disputent incessamment la voie du transit interocéanique : M. Mora, en signant un traité de concession avec une compagnie dont un Français, M. Félix Belly, était l’agent, et en patronant énergiquement cette compagnie, avait dû froisser d’autres intérêts, outre qu’il ne se montrait pas, dit-on, très coulant dans les négociations que l’Angleterre suivait, vers cette époque, dans l’Amérique centrale. Que ces circonstances aient eu une part directe dans ce qui allait arriver, qu’un chef ambitieux ait saisi l’occasion que lui offraient quelques mécontentemens nationaux ou étrangers, toujours est-il qu’on ne s’attendait guère à une révolution à Costa-Rica, et le président s’y attendait moins que personne.