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de faire celui de la Vera-Cruz. Au manifeste de Juarez, Miramon opposa un autre manifeste, où il exposait avec amertume toutes les plaies saignantes du pays. Malheureusement le jeune président avait plus d’intrépidité et de coup d’œil sur le champ de bataille que d’expérience dans le maniement des affaires publiques. C’est ainsi qu’au mois de juillet 1859, séduit par les beaux projets d’un jeune homme, M. Carlos de la Peza, qui se présentait comme possesseur d’un secret pour la régénération financière du Mexique, il l’appela au ministère. On le blâma de s’être laissé séduire, et on le blâma un peu plus tard d’abandonner l’expérience, lorsque l’inefficacité du secret de M. de la Peza fut trop démontrée. Ces tiraillemens tenaient moins à l’absence de qualités de gouvernement chez Miramon qu’à une situation impossible. Pourtant les forces militaires du gouvernement de Mexico gardaient leurs avantages. Le général Leonardo Marquez, placé à la tête de l’armée du nord, maintenait son ascendant. D’autres chefs, Woll, Vicario, obtenaient des succès. Cobos battait les factieux à Teotitlan et s’emparait d’Oajaca, qui est la clé des états de Chiapas, de Tabasco, de Tehuantepec. D’un autre côté, M. Santiago Vidaurri, qui, dans les états du nord, avait soutenu jusque-là M. Juarez, se prononçait contre lui au mois de septembre, ou du moins se proclamait neutre entre les deux partis. Toutefois rien ne se terminait, et, voyant cela, Miramon prit la résolution de partir le 4 novembre 1859 pour Queretaro à l’improviste, presque seul, au risque d’être enlevé par quelque bande de fédéraux.

Arrivé à Queretaro, Miramon apprit que les constitutionnels, conduits par Degollado, Doblado, Blanco, Arteaga, se réunissaient, au nombre de 7 ou 8,000 hommes, pour tenter un coup de main sur Guanajuato. Il appela aussitôt toutes les forces qui étaient à sa portée, fit venir de l’artillerie de Mexico, et se disposa à marcher sur l’armée constitutionnelle. Avant qu’on en vînt aux mains, il accepta une entrevue avec don Santos Degollado, qui lui proposa de le reconnaître pour président, s’il acceptait la constitution de 1857, sauf à la faire réformer par un congrès. Miramon refusa nettement. Degollado, se croyant supérieur en nombre, prit alors un ton menaçant. Le jeune président ne s’émut pas. « — Très bien, don Santos, dit-il à son interlocuteur, je n’ai que la moitié de vos forces, et pourtant demain matin j’aurai l’honneur de vous battre. » Le lendemain en effet, à la estancia de las Vacas, Miramon dispersait l’armée constitutionnelle, et ce nouveau succès lui rendait un prestige qui s’était un peu affaibli dans toutes les tergiversations politiques au milieu desquelles il avait vécu à Mexico. Son activité, son audace toujours heureuse réveillaient cette confiance qui l’avait élevé au pouvoir suprême. Les batailles ont rarement un résultat décisif au Mexique, et cette