fleurs dans des poteries du pays, et une belle vieille table à pieds tordus que Sept-Épées avait vue autrefois chez Tonine.
Il trouva là son parrain, la Sauvière et sa fille, le docteur Anthime et Va-sans-Peur. On espérait Audebert ; mais, comme il avait déclaré, une fois pour toutes, que le poète n’a pas d’heure, on ne devait pas l’attendre. Tonine arriva la dernière, tout habillée de blanc, si belle et l’air si radieux que Sept-Épées en fut ébloui. Elle vint à lui et lui prit les deux mains en riant. Tout le monde riait, même le parrain, qui paraissait avoir entendu raison. Sept-Épées se mit aussi à rire pour faire comme les autres, et aussi parce qu’il avait le cœur content ; pourtant la figure épanouie d’Anthime, que ses yeux rencontrèrent comme malgré lui, le rendit tout à coup très sombre. Rosalie Sauvière, qui était devenue grande, jolie et qui était habillée comme une bourgeoise, s’en aperçut. — Eh bien ! lui dit-elle, vous regardez mon mari comme si vous ne le reconnaissiez pas ! Pourquoi donc ne lui avez-vous pas encore parlé ?
— Votre mari ? s’écria Sept-Épées en se jetant presque au cou du docteur.
— Oui, répondit celui-ci : il était dans ma destinée de me fixer à la Ville-Noire ; refusé par une aimable personne qui avait reçu mes premiers hommages, j’en ai rencontré une autre, une belle patiente, qui a bien voulu me savoir gré de mes soins et me les payer par sa confiance. Je suis le médecin des ateliers, mon cher Sept-Épées ; mais vous rapportez de vos voyages une mine qui ne me promet pas grande besogne.
— À table ! cria la Laurentis du fond de sa cuisine, et le petit chien, qui connaissait cette exclamation, vint en gambadant, en aboyant de joie, faire l’office de valet de chambre.
— Ceci veut dire : madame est servie, dit le docteur en offrant son bras à Tonine, qui fit passer le vieux parrain le premier.
Mme Anthime prit le bras de Sept-Épées, et les autres suivirent.
La salle à manger était aussi propre et pas plus riche que le salon. Des mets très élémentaires étaient placés sur une grosse nappe blanche semée de violettes. Il y avait quelque chose de patriarcal dans cette aimable hospitalité. Tout le dîner étant servi à la fois, la Laurentis prit place avec les autres.
Tonine s’assit à la place d’honneur avec le parrain en face d’elle, le docteur à sa droite et Sept-Épées à sa gauche. De la demoiselle, il n’était pas plus question que si elle n’eût jamais existé. Sept-Épées ne put s’empêcher d’en faire la remarque à Mme Anthime, qui était auprès de lui. — Bah ! bah ! répondit-elle d’un ton enjoué, elle viendra plus tard, à la fin du dîner !
— Non, dit Tonine, elle va venir tout de suite ; c’est assez nous