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d’aigreur, favorisait ostensiblement les menées des conspirateurs, et soutenait avec une vivacité impérieuse les réclamations des citoyens américains lésés dans leurs intérêts par des faits de guerre civile.

Bref, on en venait à une sorte de rupture. Les griefs des Américains du Nord étaient assurément fondés, comme ceux de beaucoup d’autres étrangers. Il y avait cependant une singulière logique à rendre le gouvernement de Mexico responsable des actes commis par ses ennemis, puis à se tourner vers le gouvernement de la Veva-Cruz, dont les défenseurs étaient justement ceux qui commettaient ces actes ! Ce changement de politique de la part des États-Unis avait évidemment un motif étranger aux réclamations des citoyens américains : on voulait obtenir de M. Juarez ce que M. Forsyth n’avait point obtenu du général Zuloaga. Le nouvel envoyé américain, M. Mac-Lane, arriva dans les premiers jours d’avril 1859 à la Vera-Cruz. Il était, dit-on, muni pour la forme d’instructions qui l’autorisaient à décider lui-même quel gouvernement il devait reconnaître au Mexique. À peine avait-il passé vingt-quatre heures à la Vera-Cruz qu’il s’était résolu à reconnaître M. Juarez.

Reconnu par les États-Unis, dégagé pour le moment de toute menace d’attaque par l’obligation où s’était vu Miramon de se replier vers Mexico, servi en même temps par les diversions multipliées des bandes dites constitutionnelles qui entretenaient la guerre civile dans l’intérieur, le gouvernement de M. Juarez songea à manifester son existence par d’autres actes. Les circonstances lui donnaient un répit de quelques mois, il en profita ; il reprit législativement la guerre engagée par la dernière révolution contre l’église, et institua par décret le mariage civil. Il publia aussi un manifeste annonçant toute sorte de réformes couronnées par l’expropriation du clergé. Cette dernière mesure, faite pour attirer tous les spéculateurs décidés à s’enrichir à tout prix, n’était pas non plus sans rapport avec les relations nouvelles qui venaient de s’établir entre les Américains du Nord et M. Juarez, les propriétés ecclésiastiques étant une garantie toute trouvée à offrir aux États-Unis dans une négociation. Le cabinet de Mexico protesta contre la loi d’expropriation de l’église, comme il avait protesté contre la reconnaissance de M. Juarez par les États-Unis. D’avance il déclina les conséquences que pourrait avoir pour les particuliers et pour les étrangers toute immixtion dans la vente des biens du clergé, de même qu’il déclara nul tout traité qui pourrait être conclu entre le cabinet de la Vera-Cruz et les Américains du Nord.

C’était une guerre de décrets, de lois, de protestations ajoutée à la guerre par les armes, qui continuait à désoler le pays. Naturellement le gouvernement de Mexico fit tout l’opposé de ce que tentait